Publié dans Le Soleil du samedi 12 mars par Marc Bergeron, un ami personnel
En tant qu’hématologue-oncologue pratiquant dans une centre hospitalier universitaire de Québec et traitant depuis plus de 25 ans des malades en fin de vie d’un cancer, j’aimerais vous faire part de mon expérience avec les mourants et mes préoccupations concernant la possible légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté au Québec . La commission parlementaire spéciale qui se penche sur la question de mourir dans la dignité termine sous peu ses consultations à travers le Québec . Elle fera ses recommandations à l’Assemblée Nationale dans les prochaines semaines.
Actuellement au Québec, les malades en phase terminale d’un cancer sont admis à l’hôpital ou bien encore dans des établissements dédiés comme la Maison Michel Sarrazin pour y terminer leurs jours. Ils y reçoivent des soins exemplaires, par un personnel qualifié et empathique qui les accompagne ainsi que leur famille jusqu’à ce que la mort naturelle survienne. La douleur du malade peut être contrôlée adéquatement par l’usage de la morphine à des doses qui ne raccourcissent pas la vie, contrairement à ce qui est véhiculé dans la croyance populaire. La période d’agonie qui précède la mort est précieuse pour le malade et sa famille afin qu’ils puissent faire leurs adieux et régler leurs affaires. Le malade demeure entièrement libre de refuser tout traitement et sa volonté est respectée par tous les intervenants, même si ce refus de traitement peut raccourcir sa vie. La confiance entre les malades et le personnel traitant est la règle au Québec.
La légalisation de l’euthanasie, c’est-à-dire l’injection d’une dose létale d’un médicament pour mettre fin à la vie à un moment précis, dans le but de soulager la souffrance irréversible ou bien le suicide assisté, c’est-à-dire la fourniture au malade d’une médication létale qu’il s’administre lui-même, va changer complètement la dynamique dans les soins dans les établissements de santé. Nous allons assister à un conflit entre deux philosophies totalement incompatibles, soit celle des soins palliatifs basée sur l’entraide et le dévouement et celle de l’euthanasie basée sur l’efficacité à régler rapidement un problème aigu. De plus, dans un système de santé surchargé comme le nôtre au Québec, il y aura des pressions de plus en plus fortes pour que les malades en état de faiblesse acceptent une solution plus rapide pour mettre fin à leur souffrance et à leur vie au détriment d’une mort naturelle qui peut parfois être plus longue. Enfin , la confiance qui règne actuellement entre les malades et le personnel traitant et la solidarité humaine sur laquelle notre système de santé est bâti, vont aller en se dégradant avec les conflits d’intérêt qui ne manqueront pas de surgir au fil des années. Cette voie sans issue va engager les générations à venir au Québec et il ne sera plus possible de revenir en arrière.
Il est donc souhaitable que l’on bonifie les soins palliatifs actuels pour qu’ils soient accessibles en tout temps , à tous les citoyens du Québec, et qu’on évite la voie erronée de l’euthanasie ou du suicide assisté . D’ailleurs, les parlements Canadien et Français ont récemment rejeté cette option et le Québec doit faire de même. Un débat public doit s’établir au Québec avant que nos élus de l’Assemblée Nationale ne légifèrent dans les prochains mois sur l’euthanasie et du suicide assisté.
Marc Bergeron,md, hémato-oncologue
Hôpital de l’Enfant-Jésus, Québec
Marc Bergeron,md, hémato-oncologue
Hôpital de l’Enfant-Jésus
Québec
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