- Pour le maître-chantre. Sur les Lys. Témoignage. Pour Asaph. Psaume.
- Berger d’Israël, prête l’oreille! toi qui conduis Joseph comme un troupeau, toi qui sièges entre les chérubins, fais paraître ta splendeur!
- Devant Éphraïm, Benjamin et Manassé, réveille ta puissance et viens nous secourir!
- Ô Dieu! ramène-nous! fais luire ta face et nous serons sauvés!
- Éternel, Dieu des armées, jusques à quand fumeras-tu contre la prière de ton peuple?
- tu leur fais manger un pain de larmes, tu leur fais boire des larmes abondamment ;
- tu fais de nous un objet de querelle pour nos voisins, et nos ennemis nous tournent en dérision.
- Dieu des armées, ramène-nous! fais luire ta face et nous serons sauvés!
- Tu as transporté une vigne hors d’Égypte, tu as expulsé des nations et tu l’as plantée ;
- tu lui as fait de l’espace, elle a poussé des racines et rempli le pays ;
- les montagnes furent couvertes de son ombre, et ses sarments devinrent comme les cèdres de Dieu ;
- elle étendit ses ceps jusques à la mer, et ses rejetons jusqu’au fleuve.
- Pourquoi as-tu rompu ses clôtures, pour que tous les passants la dépouillent?
- Le sanglier de la forêt la ravage et les bêtes des champs en font leur pâture.
- Oh! reviens, Dieu des armées, regarde des cieux et visite cette vigne ;
- protège ce que ta droite a planté, le fils que tu as fortifié pour toi!
- Elle est brûlée par le feu, elle est coupée ; à cause du courroux de ta face, elle périt.
- Que ta main soit sur l’homme de ta droite, sur le fils de l’homme que tu as fortifié pour toi!
- Alors nous ne nous détournerons plus de toi : fais-nous revivre et nous invoquerons ton nom!
- Éternel, Dieu des armées, ramène-nous! fais luire ta face et nous serons sauvés!
Ce Psaume a, comme les précédents, un caractère prophétique, et il trouvera son application plus particulièrement dans les temps d’angoisse qui attendent encore le peuple d’Israël. Les rabbins y voient également un tableau prophétique de sa dispersion actuelle. Les relations de l’Éternel avec son peuple y sont représentées par deux images, celle d’un berger et de son troupeau, que nous avons déjà rencontrée plusieurs fois dans le Psautier et celle d’une vigne cultivée avec soin, qui se retrouve dans plusieurs passages de l’Ancien et du Nouveau Testament (Es 5.1-7, 27.2-6 ; Os 14.8 ; Mt 21.33 ; Jn 15.1).
Cette belle et touchante prière convient aussi à l’Église de la nouvelle alliance qui, dans ses épreuves doit chercher des motifs d’espérance dans le souvenir des dispensations admirables dont elle a été l’objet dans le passé et surtout, comme Israël, dans les premiers temps de son existence. Pour l’explication du titre, nous renvoyons à celles des Ps 45 et 60.
On remarque dans ce Psaume trois versets identiques qui forment un refrain (les vv. 4,8,20) et qui le découpent en trois strophes d’inégale longueur. La première se compose d’une simple invocation adressée au miséricordieux et tout-puissant pasteur d’Israël (2-3) ; la seconde expose le triste état du peuple (5-7) ; dans la troisième, le psalmiste demande à Dieu de rétablir les relations qu’il soutenait avec son peuple dans la première période de son existence (sortie d’Égypte, voyage dans le désert et conquête de Canaan) (9-19).
Verset 2. Berger d’Israël, prête l’oreille! toi qui conduis Joseph comme un troupeau, toi qui sièges entre les chérubins, fais paraître ta splendeur!
Berger d’Israël, comparez Ps 23.1, 77.21. — Le parallélisme indique que le nom de Joseph représente ici le peuple entier, ce qui s’explique par le rang éminent que ce patriarche avait occupé parmi ses frères. Comparez Ps 77.16. — Sur les chérubins, voyez l’explication de Ps 18.21. Le psalmiste, en invoquant le Dieu qui est assis entre les chérubins, pensait tout d’abord aux chérubins de l’arche de l’alliance, parce qu’elle était un gage et un symbole de la présence de Dieu au milieu de son peuple, mais sa pensée s’élevait sans doute jusqu’à cet autre trône où le Tout-Puissant siège entouré des intelligences célestes. — Les mots fais paraître ta splendeur font peut-être allusion à la nuée lumineuse.
Verset 3. Devant Éphraïm, Benjamin et Manassé, réveille ta puissance et viens nous secourir!
Le psalmiste demande à l’Éternel de revenir se placer à la tête de son peuple, de même que l’arche, symbole de sa présence, était portée à la tête du peuple dans le désert. Stier suppose avec raison que ces trois tribus sont mentionnées parce que ce sont celles qui étaient placées immédiatement à la suite de l’arche. Nb 2.18,20,22.
Verset 4. Ô Dieu! ramène-nous! fais luire ta face et nous serons sauvés!
On pourrait donner au premier verbe le sens de rétablir, restaurer (comp. Ps 23.3), mais il est plus naturel de lui laisser son sens primitif : faire retourner (de la captivité, de la dispersion). C’est le même verbe qui est employé dans ce passage de Jérémie : « Je les ai ramenés dans leur pays que j’ai donné à leurs pères. » Jr 16.15.
Verset 5. Éternel, Dieu des armées, jusques à quand fumeras-tu contre la prière de ton peuple?
De même que dans nos prières nous aimons à donner à Dieu les noms qui nous rappellent ses adorables perfections et ses relations avec nous (Tout-Puissant, Père, Seigneur, etc.) David le nomme d’abord l’Éternel pour se rappeler son amour envers Israël, et Dieu des armées pour se rappeler sa puissance. L’expression Dieu des armées a été expliquée à l’occasion de Ps 24.10. — La fumée étant aussi bien que le feu dont elle émane une image de la justice vengeresse de Dieu (comp. Ps 18.9), nous avons conservé l’expression si énergique de l’original.
Verset 6. tu leur fais manger un pain de larmes, tu leur fais boire des larmes abondamment ;
Le pain de larmes est celui qu’on mange avec larmes. Comparez Ps 42.4. Cette explication est plus naturelle que celle de Hengstenberg : pour pain tu ne nous donnes que des larmes.
Verset 7. tu fais de nous un objet de querelle pour nos voisins, et nos ennemis nous tournent en dérision.
Même plainte que dans Ps 44.14.
Verset 8. Dieu des armées, ramène-nous! fais luire ta face et nous serons sauvés!
Voir verset 4.
Verset 9. Tu as transporté une vigne hors d’Égypte, tu as expulsé des nations et tu l’as plantée ;
Le premier hémistiche rappelle par une image aussi simple que touchante la sortie d’Égypte, le second la conquête de Canaan. « Le psalmiste rappelle à Dieu ses anciennes bontés, assuré qu’il est qu’il ne laissera pas son œuvre inachevée » (Calvin).
Verset 10. tu lui as fait de l’espace, elle a poussé des racines et rempli le pays ;
Le premier hémistiche est ainsi expliqué par la version chaldéenne : tu avais expulsé devant elle les Cananéens.
Verset 11. les montagnes furent couvertes de son ombre, et ses sarments devinrent comme les cèdres de Dieu ;
Le second hémistiche ne contient en hébreu que ces mots : et ses sarments des cèdres de Dieu. Il faut donc nécessairement sous-entendre quelque chose. Hengstenberg sous-entend le verbe qui se trouve dans le premier membre et traduit : les cèdres de Dieu furent couverts de ses sarments, ce qui signifierait que la vigne (Israël) s’étendait jusqu’au mont Liban, si renommé par ses magnifiques cèdres. On pourrait être tenté de préférer cette version à cause du parallélisme qu’elle établit entre les deux parties du verset ; mais il vaut mieux sous-entendre simplement une particule de comparaison devant les mots cèdres de Dieu. Cette expression a été expliquée à l’occasion de Ps 36.8.
Verset 12. elle étendit ses ceps jusques à la mer, et ses rejetons jusqu’au fleuve.
Par la mer il faut entendre comme dans d’autres passages semblables la Méditerranée, limite de la Terre-Sainte à l’occident, et par le fleuve l’Euphrate, limite à l’orient. Mais dans la bouche de David le verbe (elle étendit) doit être considéré comme un passé prophétique, puisque de son temps le royaume d’Israël n’avait pas encore pris autant d’extension.
Verset 13. Pourquoi as-tu rompu ses clôtures, pour que tous les passants la dépouillent?
« Le psalmiste compte sur une restauration parce que Dieu serait en contradiction avec lui-même si, après avoir planté la vigne, il la laissait ravager par les bêtes sauvages » (Calvin).
Verset 14. Le sanglier de la forêt la ravage et les bêtes des champs en font leur pâture.
« Tel pourrait bien être aussi l’état de l’Église lors de la venue de l’antichrist » (Horne).
Verset 15. Oh! reviens, Dieu des armées, regarde des cieux et visite cette vigne ;
Regarde des cieux, comparez Ps 14.2. — Visiter, expression expliquée à l’occasion de Ps 8.5.
Verset 16. protège ce que ta droite a planté, le fils que tu as fortifié pour toi!
Nous avons suivi les Septante et parmi les modernes Delitzsch et Hengstenberg, qui considèrent le premier mot de ce verset comme l’impératif d’un verbe ; les rabbins et Stier en font un substantif, régi encore par le verbe de l’hémistiche précédent ; ils traduisent : et la souche que ta droite a plantée. On obtiendrait ainsi un parallélisme plus complet entre les deux hémistiches de notre verset, mais cette construction est moins naturelle. — Dans ce verset, le psalmiste abandonne l’image et nomme celui qu’elle devait représenter. C’est sur le peuple d’Israël tout d’abord qu’il appelle la protection du Très-Haut ; ce peuple, privilégié entre tous les autres, est également appelé fils de l’Éternel dans Ex 4.22 ; Os 11.1. Mais en même temps la pensée du psalmiste se porte sur Celui dont Israël était le type et le précurseur au milieu des nations, savoir le Messie ; en effet au v. 18 il lui donne deux titres qui ne peuvent s’appliquer complètement qu’à Notre Seigneur, que le Ps 110 nous montre élevé à la droite de Dieu et qui, dans plusieurs passages de l’Écriture, est appelé le « Fils de l’Homme », parce qu’il devait être le plus glorieux représentant de l’humanité (Ez 1.26 ; Dn 7.13 ; Mt 8.20). Dans la pensée de David le Messie et Israël étaient étroitement unis, très particulièrement quand l’Esprit prophétique lui montrait dans un lointain avenir la formidable lutte qui devait s’engager entre ce peuple et son Roi d’un côté et l’antichrist et ses adhérents de l’autre. La version chaldéenne voit également le Roi-Messie dans notre verset. Telle était l’opinion des auteurs si intelligents de la version hollandaise ; ce qu’ils ont exprimé dans ce verset et le v. 18 en écrivant le mot fils avec une majuscule. Nous n’avons cependant pas cru devoir suivre leur exemple, parce que selon nous l’application au peuple d’Israël ne doit pas être exclue. Il s’agit à la fois d’Israël et du Messie.
Verset 17. Elle est brûlée par le feu, elle est coupée ; à cause du courroux de ta face, elle périt.
Le courroux de ta face. Comparez Ps 18.16.
Verset 18. Que ta main soit sur l’homme de ta droite, sur le fils de l’homme que tu as fortifié pour toi!
L’homme de ta droite signifie, en tant qu’il s’agit d’Israël : celui que ta droite a conduit et gardé ; en tant qu’il s’agit du Messie : celui qui est élevé à ta droite.
Verset 19. Alors nous ne nous détournerons plus de toi : fais-nous revivre et nous invoquerons ton nom!
Nous voyons reparaître ici l’idée déjà exprimée au v. 5, c’est que les souffrances d’Israël avaient pour cause première ses propres péchés et qu’un sincère retour à Dieu était la condition de la délivrance. C’est ce que l’on devrait toujours reconnaître dans les afflictions.
Verset 20. Éternel, Dieu des armées, ramène-nous! fais luire ta face et nous serons sauvés!
Voir verset 4.
Pasteur Armand de Mestral, Commentaire sur le livre des Psaumes – Tome 2, p. 77-82