Psaume. Pour Asaph.
- Ô Dieu! des nations sont entrées dans ton héritage, elles ont souillé ton saint temple, et réduit Jérusalem en ruines ;
- elles ont livré les cadavres de tes serviteurs en pâture aux oiseaux du ciel, la chair de tes adorateurs aux bêtes de la terre ;
- elles ont répandu leur sang, comme de l’eau, autour de Jérusalem, et personne ne donna la sépulture.
- Nous sommes en opprobre chez nos voisins, la risée et le jouet de ceux qui nous entourent.
- Jusques à quand, ô Éternel!… Seras-tu irrité éternellement?
- Répands ton courroux sur les nations qui ne te connaissent point, et sur les royaumes qui n’invoquent pas ton nom,
- car ils ont dévoré Jacob et dévasté sa demeure.
- Ne nous mets pas en compte les iniquités premières, et que tes compassions nous préviennent promptement, car nous sommes très affaiblis.
- Aide-nous, ô Dieu de notre salut! pour la gloire de ton nom ; délivre-nous et couvre nos péchés, à cause de ton nom!
- Pourquoi les nations diraient-elles : Où est leur Dieu? Qu’elle soit connue parmi les nations, à nos yeux, la vengeance du sang de tes serviteurs qui a été répandu!
- Que le gémissement des captifs vienne devant toi, par le pouvoir de ton bras conserve les enfants de la mort!
- Rends à nos voisins dans leur sein sept fois, les outrages dont ils t’ont outragé, Seigneur.
- Et nous, ton peuple, le troupeau que tu pais, nous te rendrons grâces éternellement, et nous raconterons ta louange de génération en génération.
Ce Psaume ressemble beaucoup au Ps 74, aussi nous trouvons à son sujet la même divergence entre les commentateurs. Quant à nous, d’accord en cela avec la version chaldéenne, Michaëlis, Clauss, nous le regardons également comme une prophétie relative à la grande catastrophe des derniers temps. Cette parole : les nations sont entrées dans ton héritage s’est accomplie sans doute déjà lors des invasions des Chaldéens, d’Antiochus Épiphane et des Romains, mais elle doit s’accomplir encore sur une plus vaste échelle dans ce grand jour « où toutes les nations seront assemblées en bataille contre Jérusalem » (Za 14.1-2). « Les choses qui du temps de David étaient encore à venir sont représentées comme passées. Le prophète se transporte en ceux qui devaient vivre lorsque ces choses auraient lieu » (St-Augustin). Sur l’usage que les fidèles de la nouvelle alliance peuvent faire de ce Psaume dans les temps de persécution et d’épreuve, voyez l’introduction au Ps 74.
La première strophe expose le triste état dans lequel se trouve le peuple de Dieu (1-4) ; la seconde demande à Dieu de délivrer son peuple et de châtier les nations (5-8) ; la troisième montre combien la gloire de Dieu est intéressée à l’exaucement de cette prière (9-13).
Verset 1. Ô Dieu! des nations sont entrées dans ton héritage, elles ont souillé ton saint temple, et réduit Jérusalem en ruines ;
Calvin fait remarquer que le psalmiste a choisi dans ce verset les expressions les plus propres à mettre en évidence la nécessité d’une prompte et éclatante manifestation de la justice de Dieu pour punir l’outrage que l’ennemi venait de lui faire en la personne de son peuple. Par un étrange renversement de l’ordre des choses, des nations étrangères ont pénétré dans le pays que l’Éternel avait mis à part pour Israël ; elles ont rendu impossible la célébration du service divin par la profanation du temple ; enfin elles ont fait de la ville qui était d’une façon particulière la résidence de Dieu, un monceau de ruines.
Versets 2-3. elles ont livré les cadavres de tes serviteurs en pâture aux oiseaux du ciel, la chair de tes adorateurs aux bêtes de la terre ; elles ont répandu leur sang, comme de l’eau, autour de Jérusalem, et personne ne donna la sépulture.
Ces versets sont cités par l’auteur du livre des Maccabées comme ayant trouvé leur accomplissement dans le meurtre de soixante Israélites pieux qui eut lieu sous le règne de Démétrius, roi de Syrie (1 M 7.17). C’est un accomplissement, mais ce n’est pas le seul. — « Dieu avait voulu que la sépulture fût en quelque manière un témoignage rendu à la doctrine de la résurrection ; la privation de sépulture était donc une épreuve pour la foi » (Calvin).
Verset 4. Nous sommes en opprobre chez nos voisins, la risée et le jouet de ceux qui nous entourent.
Ce verset est la reproduction de Ps 44.14.
Verset 5. Jusques à quand, ô Éternel!… Seras-tu irrité éternellement?
Sur l’expression jusques à quand, voyez Ps 6.4. — Dans ce verset nous voyons percer une pensée qui se trouve plus positivement énoncée au v. 8, c’est que le peuple de Dieu s’est attiré par ses propres transgressions, les maux dont il est accablé ; s’il est affligé, c’est que l’Éternel a lieu d’être irrité contre lui. Toutes nos afflictions doivent également réveiller en nous le sentiment de notre état de chute et de condamnation devant Dieu. — La jalousie de Dieu est une expression assez fréquente dans l’Écriture ; elle représente la juste indignation que Dieu éprouve quand l’homme ne le sert qu’avec un cœur partagé, qu’il se donne à d’autres maîtres et cherche d’autres appuis. Elle se rattache à cette belle image de l’union conjugale sous laquelle les relations entre Dieu et les fidèles nous sont souvent représentées. (Comp. Ex 20.5 ; Dt 6.15, 32.16, etc.).
Verset 6. Répands ton courroux sur les nations qui ne te connaissent point, et sur les royaumes qui n’invoquent pas ton nom,
« Bien que l’Église puisse avoir mérité de souffrir, ses ennemis ne sont pas moins coupables et n’échapperont point au châtiment » (Horne). — Sur ces prières qui semblent inspirées par un esprit de vengeance, voyez l’explication donnée dans l’Introduction chap. 6.
Verset 7. car ils ont dévoré Jacob et dévasté sa demeure.
Jacob, c’est-à-dire ses descendants.
Verset 8. Ne nous mets pas en compte les iniquités premières, et que tes compassions nous préviennent promptement, car nous sommes très affaiblis.
Nous avons suivi pour le premier membre de ce verset la traduction ordinaire, qui nous paraît la plus naturelle, seulement il faut admettre qu’il y a dans l’original une légère incorrection (l’adjectif qui accompagne le substantif féminin iniquités se trouve au masculin), c’est pourquoi Hengstenberg préfère considérer cet adjectif comme un second substantif et il traduit : ne te souviens plus pour nous des iniquités des anciens (de nos pères). Cette traduction exprimerait la pensée tout à fait biblique que Dieu visite les péchés des pères sur les enfants. Comparez Ex 20.5.
Verset 9. Aide-nous, ô Dieu de notre salut! pour la gloire de ton nom ; délivre-nous et couvre nos péchés, à cause de ton nom!
« N’ayant rien à offrir à Dieu que leurs péchés, ils font appel au soin qu’il a de sa propre gloire » (Calvin). — Sur l’expression : à cause de ton nom, voyez Ps 23.3.
Verset 10. Pourquoi les nations diraient-elles : Où est leur Dieu? Qu’elle soit connue parmi les nations, à nos yeux, la vengeance du sang de tes serviteurs qui a été répandu!
Le second et le troisième hémistiche reproduisent la pensée du v. 6. « Cette forme de prière ne nous est pas donnée pour qu’elle nous serve à assouvir nos haines particulières. Ceux-là seuls ont le droit de prier ainsi qui sont élevés en dignité et qui faisant abstraction de leur propre personne, ont à prendre soin de l’Église entière » (Calvin).
Verset 11. Que le gémissement des captifs vienne devant toi, par le pouvoir de ton bras conserve les enfants de la mort!
Littéralement : les enfants de la mort. Cette expression éminemment poétique est ainsi expliquée par les rabbins : ceux qui sont destinés à la mort.
Verset 12. Rends à nos voisins dans leur sein sept fois, les outrages dont ils t’ont outragé, Seigneur.
Dans leur sein, signifie : en mesure abondante. Comparez Lc 6.38. C’est une allusion à l’usage de porter des objets un peu considérables dans le sein du vêtement.
Verset 13. Et nous, ton peuple, le troupeau que tu pais, nous te rendrons grâces éternellement, et nous raconterons ta louange de génération en génération.
Les fidèles s’engagent à témoigner leur juste reconnaissance pour la délivrance qu’ils implorent par des actions de grâces prolongées. — « Quel jour glorieux pour l’Église que celui où, triomphant du péché, de la douleur et de toute opposition, elle verra son adversaire désarmé pour toujours! Introduite alors dans de joyeux pâturages et à la source des eaux de la béatitude éternelle, elle chantera de siècle en siècle les louanges de Celui qui est son souverain pasteur, son évêque, son roi et son Dieu » (Horne).
Pasteur Armand de Mestral, Commentaire sur le livre des Psaumes – Tome 2, p. 73-76
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