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Commentaire sur le Psaume 75

  1. Au maître-chantre. Ne détruis pas. Psaume pour Asaph. Cantique.
  2. Nous te célébrons, ô Dieu! nous te célébrons, car ton nom est proche ; on raconte tes merveilles.
  1. Quand j’aurai fixé l’époque, je jugerai selon la droiture ;
  2. la terre se fond, avec tous ceux qui l’habitent ; moi, j’affermis ses colonnes. (Sélah).
  1. Je dis aux orgueilleux : Gardez-vous de vous enorgueillir! et aux méchants : Gardez-vous d’élever la corne!
  2. Gardez-vous d’élever haut votre corne, et de tenir, vous rengorgeant, des propos insolents.
  3. Car ce n’est ni du levant, ni du couchant, ni du désert, que vient l’élévation ;
  4. c’est Dieu qui juge, il abaisse celui-ci, il élève celui-là.
  5. Car dans la main de l’Éternel se trouve une coupe, le vin y écume, plein de mélange ; il en verse et tous les méchants de la terre l’avaleront, en boiront, même la lie.
  1. Mais moi, j’annoncerai à jamais ; je chanterai des psaumes au Dieu de Jacob,
  2. et j’abattrai toutes les cornes des méchants ; les cornes des justes se lèveront.

Hensgtenberg et d’autres commentateurs modernes rapportent la composition de ce Psaume à l’époque de l’invasion de la Judée par Sennachérib, roi d’Assyrie (2 Ch 32) ; seulement les uns le croient composé avant la délivrance, les autres après. Quant à nous, nous le croyons composé par David et destiné à consoler et encourager le peuple de Dieu dans tous les temps où il est menacé par les puissants de ce monde, mais plus particulièrement lors de la crise des derniers jours ; car nous retrouvons dans ce Psaume plusieurs traits qui nous rappellent ceux par lesquels le prophète Daniel et St-Jean dans l’Apocalypse nous la représentent. Ainsi les cornes des méchants (vv. 5 et 11) sont peut-être en rapport avec les « cornes de la bête » (Dn 7.7-8 ; Ap 13.1) et la coupe qui est dans la main de l’Éternel (v. 9) rappelle « la coupe de la colère de Dieu » (Ap 14.10), de laquelle le « vin de la colère » sera versé sur les adorateurs de la bête. Le rabbin Kimchi voit également dans ce Psaume une prophétie de la ruine des impies. « Ce Psaume, dit St-Augustin, avertit les orgueilleux qu’ils ne doivent point s’appuyer sur eux-mêmes et invite les humbles à ne point désespérer de l’Éternel. »

Le Psaume se décompose en 4 strophes. Dans la première, le psalmiste parlant au nom des autres fidèles exprime leur confiance en Dieu (v. 2). La seconde fait connaître le fondement de cette confiance ; c’est Dieu qui de sa propre bouche annonce que le temps viendra pour une éclatante manifestation de sa justice (vv. 3-4). Dans la troisième le psalmiste reprend la parole et invite les méchants à renoncer à leurs présomptueux desseins, en considérant les jugements terribles qui les attendent (vv. 5-9). Dans la dernière strophe il déclare son intention de glorifier Dieu par ses louanges et de faire régner la justice (vv. 10-11).

Sur les mots : ne détruis pas, voyez l’explication du titre du Ps 57.

Verset 2. Nous te célébrons, ô Dieu! nous te célébrons, car ton nom est proche ; on raconte tes merveilles.

« La répétition des mots : nous te célébrons, indique la ferveur des sentiments du psalmiste » (Calvin). — Sur le nom de Dieu, voyez l’explication de Ps 8.2. Parmi les perfections de Dieu c’est particulièrement sa puissance que David a en vue ici. C’est dans le même sens que le nom de Dieu est mentionné dans les paroles qui terminent le Ps 124 et par lesquelles nous commençons nos services religieux : « Notre aide soit au nom de Dieu. » Et quand le psalmiste dit que ce nom est proche, il veut rappeler que ce divin secours est constamment à la portée des fidèles. C’est la même pensée que celle qui est énoncée Ps 145.18 : L’Éternel est près de tous ceux qui l’invoquent.

Verset 3. Quand j’aurai fixé l’époque, je jugerai selon la droiture ;

Le premier hémistiche porte littéralement : quand j’aurai pris le temps fixé. Il faut entendre par l’époque fixée les grandes époques de l’histoire dans lesquelles Dieu déploie ses jugements contre ses ennemis et plus particulièrement celle de la seconde venue du Christ. Ps 72.2,4 ; Ap 11.17. « Bien que Dieu ne porte pas de suite secours aux siens, il ne les oublie jamais ; seulement il diffère la délivrance jusqu’au temps le plus convenable » (Calvin).

Verset 4. la terre se fond, avec tous ceux qui l’habitent ; moi, j’affermis ses colonnes. (Sélah).

Calvin et Hengstenberg pensent que le psalmiste veut dire que lors même que la terre se trouverait dans la plus affreuse confusion par l’effet de la domination des méchants, Dieu est assez puissant pour y rétablir l’ordre et la paix. Cette pensée très juste en elle-même se trouve exprimée dans Ps 46.7. Mais le sens que donne Abenesra se rattache d’une manière encore plus étroite au v. 3. Il pense que le premier hémistiche décrit les grands jugements que Dieu exercera lui-même sur le monde (Ap 6.12). Le second hémistiche se rapporte alors à la restauration glorieuse dont ils seront suivis.

Verset 5. Je dis aux orgueilleux : Gardez-vous de vous enorgueillir! et aux méchants : Gardez-vous d’élever la corne!

Au verset 2, le psalmiste avait parlé au nom du peuple (de là le pluriel), ici il parle en son propre nom (de là le singulier) ; nous disons le psalmiste, car ce verset et les suivants ne peuvent guère être la continuation du discours de Dieu (vv. 3-4), comme le supposent quelques commentateurs, puisqu’ils parlent de Dieu à la troisième personne (vv. 8-9). — L’image de la corne a été expliquée à l’occasion de Ps 18.3.

Verset 6. Gardez-vous d’élever haut votre corne, et de tenir, vous rengorgeant, des propos insolents.

Le second hémistiche se traduirait littéralement : Ne prononcez pas avec le col des choses dures. L’orgueil s’exprime en effet par la tenue du col ; c’est pourquoi le peuple d’Israël est appelé peuple de col roide (Ex 32.9, 34.9, etc.)

Verset 7. Car ce n’est ni du levant, ni du couchant, ni du désert, que vient l’élévation ;

Ce verset peut se traduire de deux manières différentes, parce que le mot qui le termine peut être un substantif signifiant : les montagnes, ou bien un verbe (élever) à l’infinitif, et que l’avant-dernier mot désert (en hébr. midebar), qui le précède immédiatement, se trouve écrit dans certains manuscrits de manière à indiquer que le mot qui le suit est son régime, tandis que, d’après d’autres manuscrits (les plus anciens), ces deux mots sont indépendants l’un de l’autre. Parmi les rabbins, Abenesra et parmi les commentateurs modernes, Hengstenberg et Delitzsch, ont adopté la traduction : car ce n’est ni du levant, ni du couchant, ni du désert des montagnes. On entend par désert des montagnes la contrée montagneuse qui se trouvait au midi de la Palestine. Mais avec cette traduction on n’obtient qu’une phrase inachevée et on est obligé de sous-entendre : que vient le secours. La traduction que nous avons préférée nous paraît plus simple ; elle se fonde sur les manuscrits les plus anciens (tels qu’ils existaient du temps du rabbin Kimchi) ; enfin il est à remarquer que, dans le verset suivant, nous retrouvons le verbe hébreu qui signifie élever, ce qui porte à croire que le dernier mot de notre verset doit avoir cette même signification[1]. Du reste la pensée du psalmiste de meure la même pour le fond. Il veut rappeler aux méchants qu’ils ne doivent pas trop compter sur la victoire, puisqu’elle ne dépend pas d’une plus ou moins grande supériorité de forces, mais de Dieu seul. « Ce qui aveugle généralement les hommes, c’est qu’ils regardent à droite et à gauche, et qu’ils rassemblent de tous côtés des richesses et des forces sur lesquelles ils s’appuient pour satisfaire leurs passions » (Calvin).

Verset 8. c’est Dieu qui juge, il abaisse celui-ci, il élève celui-là.

« Les impies entreprennent de dépouiller Dieu de sa dignité royale ; mais nous en faisons tout autant, nous fidèles, lorsque nous tremblons à leurs menaces » (Calvin). Comp. Ps 7.12, 50.6. L’Éternel appauvrit et enrichit ; il abaisse et il élève (1 S 2.7).

Verset 9. Car dans la main de l’Éternel se trouve une coupe, le vin y écume, plein de mélange ; il en verse et tous les méchants de la terre l’avaleront, en boiront, même la lie.

La coupe de l’Éternel peut être remplie de bienfaits ou de châtiments ; ici le contexte indique que c’est le second sens, comme dans Ps 11.6 ; Ap 14.10. — D’autres traduisent « le vin est rouge » (Kimchi, Rosenmüller). En tout cas il s’agit d’un vin violent et propre à étourdir ceux que l’on veut perdre ; comp. Ps 60.5. On mêlait quelquefois au vin certains ingrédients qui le rendaient plus enivrant, comme la myrrhe. (Comp. Es 5.22 ; Mc 15.23). — « Dieu verse de cette coupe dans tous les siècles, en proportion des péchés des hommes. Mais il reste encore une quantité considérable de cette boisson, mise en réserve pour le jugement final » (Horne).

Verset 10. Mais moi, j’annoncerai à jamais ; je chanterai des psaumes au Dieu de Jacob,

À la fin du premier hémistiche il faut sous-entendre quelque chose : « les jugements de Dieu sur les méchants » (De Wette, Hengstenberg), ou mieux encore : « les œuvres merveilleuses de Dieu » (version chaldéenne, Michaëlis). Comp. Ps 22.23, 40.6.

Verset 11. et j’abattrai toutes les cornes des méchants ; les cornes des justes se lèveront.

On place généralement ces paroles dans la bouche de Dieu, mais nous préférons y voir la continuation de celles du psalmiste, qui, en vertu de sa dignité royale, avait pour mission de faire régner l’ordre et la justice. Il est probable que la personne qui parle est la même que dans le verset précédent, d’autant plus que ces deux versets sont liés entre eux par la conjonction et. David annonce des résolutions semblables dans Ps 101.8. Un prince pieux trouve dans la considération des jugements de Dieu un puissant encouragement à remplir sa mission.

Pasteur Armand de Mestral, Commentaire sur le livre des Psaumes – Tome 2, p. 40-44


[1] Notre traduction se trouve dans Kimchi, Calvin, version hollandaise et anglaise, Caohen, Hupfeld.

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