- Pour le Maître-chantre, avec instruments à cordes, sur l’octave. Psaume pour David.
- Éternel, ne me châtie pas dans ta colère et ne me corrige pas dans ton courroux!
- Éternel, aie pitié de moi, car je suis défaillant : Éternel, guéris-moi, car mes os tremblent,
- et mon âme tremble violemment. Mais toi, ô Éternel, jusques à quand?….
- Éternel, reviens, délivre ma personne, sauve-moi, à cause de ta miséricorde.
- Car on ne fait point mention de toi dans la mort ; dans les enfers qui te louerait?
- Je m’épuise dans mes gémissements, chaque nuit je baigne ma couche, j’inonde mon lit de mes larmes.
- Mon œil se consume de chagrin, il dépérit à cause de tous ceux qui me persécutent.
- Retirez-vous de moi, vous tous les ouvriers d’iniquité, car l’Éternel entend la voix de mes pleurs.
- L’Éternel entend ma supplication, l’Éternel accueille ma prière.
- Ils seront confus et trembleront violemment, tous mes ennemis, ils s’en retourneront, ils seront confus soudain.
Les commentateurs juifs disent que David composa ce Psaume à l’occasion d’une maladie, ainsi que les expressions du verset 3 semblent l’indiquer, mais comme les quatre derniers versets nous montrent le psalmiste préoccupé des persécutions de ses ennemis, d’autres pensent que lorsqu’il se dit défaillant et tremblant dans tout son corps, il veut seulement représenter sous cette image ses angoisses et son abattement moral. Peut-être arriverait-on plus près de la vérité en disant que David composa ce Psaume dans un temps où les dangers qui le menaçaient de la part de ses ennemis (Saül ou Absalom) faisaient une impression si douloureuse sur son moral que son corps était aussi tombé dans un état de souffrance et d’extrême faiblesse. Calvin dit : « Quant à la nature et au genre de l’affliction dont il s’agit, je suspends mon jugement. » Ce qui rend ce Psaume particulièrement instructif pour nous, c’est que l’épreuve, quelle qu’elle fût, avait réveillé avec une grande force chez le psalmiste, le souvenir de ses péchés et le sentiment de sa misère.
C’est l’un des Psaumes dans lesquels l’idée que toute souffrance est un châtiment est le plus en évidence, aussi l’Église des premiers siècles l’avait déjà placé au nombre des Psaumes pénitentiaux. « Les Psaumes de ce genre, » dit l’excellent Rieger, « peuvent nous être fort utiles lorsque Dieu nous fait passer, à cause de quelque péché récent, ou ancien, par des angoisses pareilles et qu’il nous fait sentir sa colère ; ils nous apprennent que, même dans une si profonde détresse, nous pouvons encore recourir à la miséricorde de Dieu. » Ce Psaume peut être médité avec fruit dans nos épreuves et dans celles de l’Église. Parmi les Juifs, quelques-uns y voient un tableau de l’état de leur peuple dans sa dispersion actuelle. Nous croyons que ce Psaume et d’autres de ce genre pourront servir à exprimer la repentance et l’humiliation du peuple d’Israël quand il se tournera vers Celui que ses pères ont percé. Mais nous devons y voir aussi une prière du Messie. On croit ordinairement que les passages dans lesquels le psalmiste se montre tourmenté et oppressé par le sentiment de ses péchés, ne peuvent en aucune manière convenir à notre Seigneur. Nous croyons qu’ils peuvent être considérés comme exprimant les angoisses qu’il a endurées comme le représentant des pécheurs devant Dieu, en portant le fardeau de nos péchés. A ce point de vue ils jettent beaucoup de jour sur l’œuvre de la rédemption.
Dans la première strophe, David dépeint ses souffrances physiques et morales (verset 2-4) ; dans la seconde, il fortifie sa foi par la pensée que la bonté de Dieu et sa gloire sont intéressées à sa délivrance (vv. 5-8) ; la troisième nous montre la victoire de la foi sur les tristesses de la nature ; le psalmiste se sent déjà exaucé et voit ses adversaires dispersés et confus.
Verset 1. Pour le Maître-chantre, avec instruments à cordes, sur l’octave. Psaume pour David.
Le titre renferme deux mots (hal hacheminit) que l’on traduit généralement sur l’octave et que l’on croit destinés à indiquer que ce Psaume devait être chanté sur un ton bas, grave, bien approprié à son contenu.
Verset 2. Éternel, ne me châtie pas dans ta colère et ne me corrige pas dans ton courroux!
Le psalmiste reconnaît qu’il a mérité le châtiment, mais il demande à Dieu de ne pas le prolonger et l’augmenter au-delà de ses forces, de ne pas lui faire sentir tout le poids de sa colère. Sa prière a le même sens que celle des Israélites affligés (Jr 10.24). « Ô Eternel! châtie-moi, mais que ce soit par mesure et non en ta colère , de peur que tu ne me réduises à rien. »
Pour que les maux produisent des fruits salutaires pour nos âmes, il est très important que nous ne nous arrêtions pas aux causes secondes, et que nous remontions directement à la cause première, qui est la colère de Dieu provoquée par nos péchés. « Quelle que soit l’origine de nos maux, apprenons à reconnaître que c’est Dieu qui nous cite à son tribunal » (Calvin). Les expressions, châtier, corriger, montrent bien que David n’entendait point contester avec Dieu, qu’il sentait avoir mérité ses souffrances. En même temps la prière qu’il adresse à ce Dieu qu’il sait avoir offensé est un témoignage de la foi qui était dans son cœur. « Il est difficile et pénible (dit Luther) de se réfugier vers un Dieu qui est en colère ; il faut alors espérer contre espérance » Rm 4.18.
Verset 3. Éternel, aie pitié de moi, car je suis défaillant : Éternel, guéris-moi, car mes os tremblent,
Il parle du tremblement de ses os, selon Kimchi, soit pour désigner le corps entier dont les os forment la charpente, soit pour exprimer l’intensité de ses douleurs. Nous préférons cette seconde explication.
Verset 4. et mon âme tremble violemment. Mais toi, ô Éternel, jusques à quand?….
L’âme de David tremblait violemment, il était sans aucun doute un type de Celui qui a dit dans le jardin de Gethsémané : « Mon âme est saisie de tristesse jusqu’à la mort » Mt 26.38.
Les mots jusques à quand? donnent lieu de penser que l’épreuve de David durait déjà depuis un certain temps et que la patience commençait à lui manquer. La phrase n’est pas achevée ; on peut la compléter par ces mots : seras-tu irrité, qui se trouvent dans Ps 79.5 où la pensée est exprimée tout entière. Ici le langage du psalmiste est irrégulier, concis, entrecoupé ; c’est le langage propre à un état d’angoisse. — Comme le dit Calvin, qui aimait beaucoup cette expression jusques à quand, et en faisait fréquemment usage, « la douleur le serre à la gorge et coupe son discours par le milieu. » St-Augustin nous fait bien comprendre le but que Dieu se propose quand il place ses enfants dans des états aussi pénibles pour l’âme et pour le corps. « Nous voyons ici une âme luttant avec ses maux, mais pendant longtemps repoussée par le médecin, afin qu’elle sente d’autant mieux la misère dans laquelle elle s’est plongée par le péché. Plus un mal a été difficile à guérir, plus on prend de soins pour en prévenir le retour, et pour conserver sa santé. »
Verset 5. Éternel, reviens, délivre ma personne, sauve-moi, à cause de ta miséricorde.
Le psalmiste dit à l’Éternel : reviens! « Il nous semble que Dieu se tient loin de nous aussi longtemps qu’il ne nous a pas fait sentir son secours » (Calvin). — À cause de ton amour (Voyez Ps 5.8). « Il ne dit pas : sauve-moi à cause de ma justice, car je sais que je suis coupable » (Kimchi).
Verset 6. Car on ne fait point mention de toi dans la mort ; dans les enfers qui te louerait?
David demande à Dieu de prolonger sa vie, afin qu’il puisse encore célébrer ses louanges et le glorifier sur la terre. Cette idée qui revient fréquemment dans les Psaumes (Voyez Ps 9.15, 30.10, 88.12-13, 115.17) se fonde, d’un côté sur la conviction que Dieu prend plaisir aux hommages de ses créatures et qu’il est intéressé à leur laisser la possibilité de les lui offrir ; de l’autre, sur l’idée que les fidèles de l’ancienne alliance avaient de la condition des morts. Nous avons déjà dit (voir Introduction, chap. VI), qu’ils ne pouvaient pas avoir sur ce point autant de lumières que nous. Ils se représentaient le séjour des morts comme un séjour peu désirable, triste, où l’activité de l’homme est sinon anéantie, du moins suspendue et où son existence est paisible sans doute (au moins celle des fidèles), mais sans charmes, sans joie et décolorée (Ps 88.13 ; Es 38.18).
Nous rencontrons ici pour la première fois dans les Psaumes le mot hébreu (schéol)[1] que nos versions traduisent par sépulcre, gouffre, séjour des morts, lieu invisible, les enfers. Nous adoptons cette dernière expression qui nous paraît rendre la pensée des auteurs à la fois aussi complètement et aussi brièvement qu’il est possible de le faire dans notre langue. Seulement il faudra se garder de le confondre avec l’Enfer, qui désigne exclusivement le lieu des tourments où les méchants subissent leur peine. Le même mot employé au pluriel désigne le lieu où les morts en général sont rassemblés en attendant la résurrection. C’est dans ce sens qu’il est dit dans le Symbole des Apôtres, que Jésus-Christ est descendu aux Enfers.
Verset 7-8. Je m’épuise dans mes gémissements, chaque nuit je baigne ma couche, j’inonde mon lit de mes larmes. Mon œil se consume de chagrin, il dépérit à cause de tous ceux qui me persécutent.
« Ceux qui connaissent tant soit peu ce que c’est que lutter avec la crainte de la mort éternelle, ne trouveront aucune exagération dans ces paroles. Plus quelqu’un aime Dieu et plus il est tourmenté par la pensée d’avoir provoqué sa colère » (Calvin). — Le psalmiste parle de son œil parce que c’est dans les yeux que les divers mouvements de l’âme se peignent tout d’abord.
Verset 9. Retirez-vous de moi, vous tous les ouvriers d’iniquité, car l’Éternel entend la voix de mes pleurs.
Au commencement de cette dernière strophe nous voyons s’opérer dans la disposition de David un de ces changements subits dont les Psaumes nous offrent de si fréquents exemples ; la crainte a fait place à l’espérance, le cri d’angoisse au chant de triomphe. Dieu peut en un moment faire reparaître son soleil dans le cœur de ses enfants, aussi bien que les délivrer de leurs épreuves. Souvenons-nous aussi que notre vie, quelque sombre et agitée qu’elle puisse être, se terminera comme les prières de David par un chant de triomphe (Voyez Ps 126.5).
Verset 10. L’Éternel entend ma supplication, l’Éternel accueille ma prière.
Voici comment St-Augustin rend compte des répétitions que nous trouvons au verset 10 et très fréquemment dans les Psaumes : « Ceux qui sont dans la joie ont l’habitude de parler comme s’il ne leur suffisait pas d’en faire connaître le sujet une fois pour toutes. »
Verset 11. Ils seront confus et trembleront violemment, tous mes ennemis, ils s’en retourneront, ils seront confus soudain.
Le grand jugement qui atteindra les pécheurs impénitents au dernier jour, doit aussi arriver pour eux soudain, sans qu’ils s’y attendent ; il les surprendra comme le larron en la nuit (1 Th 5.2-3).
Pasteur Armand de Mestral, Commentaire sur le livre des Psaumes, p. 82-87
[1] Ce mot est probablement dérivé d’un verbe qui signifie exiger, demander. Cette étymologie est en rapport avec les attributs donnés au schéol dans plusieurs passages. « Le sépulcre (en hébreux le schéol) et le gouffre ne sont jamais rassasiés. » Pr 27.20 ; Comp. Es 5.14. Les poètes latins disent aussi : orcus rapax.
Merci serviteur pour ces enseignements
Je suis édifiée par l’étude du psaumes 6 . Que Dieu bénisse le pasteur !