- Pour le Maître-Chantre. Ne détruis pas. Pour David. Cantique d’or.
- Serait-elle vraiment muette, la justice que vous devez proclamer? Ne voulez-vous pas juger avec droiture, enfants des hommes?
- Bien plus, dans le cœur vous fabriquez des crimes, et vous débitez dans le pays les violences de vos mains.
- Les méchants se sont détournés dès le sein maternel, les menteurs se sont égarés dès le ventre.
- Ils ont un venin semblable au venin du serpent, d’un aspic sourd qui se bouche l’oreille,
- pour ne pas entendre la voix des enchanteurs, du magicien habile dans la magie.
- Ô Dieu! brise leurs dents dans leur bouche, fracasse la mâchoire des jeunes lions, ô Éternel!
- Qu’ils s’écoulent comme de l’eau et qu’ils périssent ; que les flèches qu’ils décochent soient comme émoussées!
- Que, pareils à la limace, ils aillent se fondant, comme l’avorton d’une femme qui n’a pas vu le soleil!
- Qu’avant que vos chaudières aient senti le nerprun, tant vert qu’enflammé, la tempête l’emporte.
- Le juste se réjouira en contemplant la vengeance, il baignera ses pieds dans le sang du méchant.
- Et l’on dira : Il y a pourtant un fruit pour le juste, il y a pourtant un Dieu qui juge sur la terre.
Le titre de ce Psaume étant la reproduction des premiers mots de celui du Psaume précédent, il est naturel de penser qu’il fut composé à la même époque, pendant les persécutions de Saül, et que les juges iniques dont le psalmiste avait à se plaindre étaient les partisans et conseillers de ce prince. Aussi les commentateurs, à commencer par les rabbins, sont presque unanimes à admettre cette opinion. Il en est, en très petit nombre, qui le croient composé en vue du gouvernement révolutionnaire d’Absalom. Calvin a résumé en peu de mots les instructions que nous pouvons tirer de ce Psaume : « Quand bien même le monde entier serait ligué contre les serviteurs de Dieu, aussitôt qu’ils ont bonne conscience, aucune crainte ne doit les empêcher de braver tant les rois et leurs conseillers, que la lie du peuple. Lorsque le monde entier serait sourd à nos plaintes, apprenons par l’exemple de David, à nous reposer sur notre bonne conscience et à en appeler au tribunal de Dieu. » Ce psaume est très propre à inspirer aux fidèles le calme et la patience dont ils ont besoin quand ils sont appelés à vivre sous des gouvernements injustes et persécuteurs. « La conviction que le royaume de Dieu doit remporter la victoire, rend le chrétien capable de surmonter le monde et tout ce qu’il peut avoir à souffrir de la part d’un mauvais gouvernement » (Rieger). Ce n’est d’ailleurs pas les adversaires de David seulement que nous devons voir dans ce Psaume, mais aussi ceux du Messie et de l’Église, et les jugements qui sont annoncés se déploieront dans toute leur étendue dans la grande journée de l’avènement de notre Seigneur. 2 Th 1.6-8.
Dans la première strophe (2-6), le psalmiste trace le portrait des juges impies ; dans la seconde (7-12), il annonce les châtiments qui doivent tomber sur eux.
Pour l’explication du titre, nous renvoyons à celle du Ps 57.
Verset 2. Serait-elle vraiment muette, la justice que vous devez proclamer? Ne voulez-vous pas juger avec droiture, enfants des hommes?
Dans le texte hébreu, ce verset est d’une extrême concision, ce qui en rend la traduction assez difficile. Nous nous sommes arrêtés à celle qui est proposée par le rabbin Jarchi. Nous mentionnons comme pouvant se justifier également celle de Hengstenberg : « Êtes-vous vraiment muets, que vous ne vouliez pas proclamer la justice et juger avec droiture, enfants des hommes? » et celle qui a été adoptée par De Wette et Stier : « Est-ce que vraiment vous proclamez la justice qui était muette ; jugez-vous avec droiture, enfants des hommes? » Dans tous les cas les paroles du psalmiste renferment un appel à la conscience des mauvais magistrats qui se faisaient les instruments de la haine de Saül. — L’épithète d’enfants des hommes qu’il leur donne rappelle dans ce passage ainsi que dans plusieurs autres l’idée que l’homme est un être faible et borné, dont la puissance ne saurait longtemps prévaloir contre celle de Dieu (Comp. 1 S 26.19).
Verset 3. Bien plus, dans le cœur vous fabriquez des crimes, et vous débitez dans le pays les violences de vos mains.
Nous voyons ici comme toujours le péché prendre naissance dans le cœur de l’homme, avant d’apparaître dans ses œuvres. — Le verbe que nous rendons par débiter signifie proprement peser. Les méchants font passer leurs iniques arrêts pour des sentences justes.
Verset 4. Les méchants se sont détournés dès le sein maternel, les menteurs se sont égarés dès le ventre.
Le psalmiste remonte à la source de toutes les mauvaises œuvres et de toutes les injustices qui se commettent dans le monde, à ce péché originel qui se transmet de génération en génération comme une maladie héréditaire (Comp. Gn 8.21 ; Ps 51.7). — L’expression : « ils se sont détournés, » a été expliquée à l’occasion de Ps 14.3.
Versets 5-6. Ils ont un venin semblable au venin du serpent, d’un aspic sourd qui se bouche l’oreille, pour ne pas entendre la voix des enchanteurs, du magicien habile dans la magie.
La chute de l’homme à laquelle David vient de faire allusion lui suggère la comparaison qui se trouve développée dans ces deux versets ; elle porte sa pensée sur l’Être malfaisant et mystérieux dont le serpent fut l’instrument (Gn 3.1 ; Ap 12.9) et dont il demeure le symbole. Dans d’autres passages de l’Écriture, les impies, qui sont les enfants du malin, se trouvent également comparés à des serpents (Comp. Mt 3.7). Ici le psalmiste s’attache plus particulièrement à représenter l’endurcissement des pécheurs, leur persistance à re pousser les appels de Dieu ; c’est pourquoi il les compare aux serpents de l’espèce la plus malfaisante, savoir à ceux sur lesquels les artifices employés pour les empêcher de nuire n’avaient aucune prise (Comp. Jr 8.17). Plusieurs auteurs de l’antiquité nous parlent de ces enchantements usités chez les Orientaux ; Virgile y fait allusion dans un passage de l’Eneide (Livre VII, v. 753). De nos jours encore cet usage se re trouve en Égypte. St-Augustin fait remarquer que ces paroles du psalmiste se sont accomplies d’une manière frappante lors que les principaux de la nation juive « se bouchèrent les oreilles » pour ne plus entendre la prédication de St-Etienne. Ac 7.57.
Verset 7. Ô Dieu! brise leurs dents dans leur bouche, fracasse la mâchoire des jeunes lions, ô Éternel!
Cette prière s’explique comme toutes celles dans lesquelles le psalmiste demande à Dieu le châtiment de ses ennemis (Voyez Introduction, chap. VI).
Verset 8. Qu’ils s’écoulent comme de l’eau et qu’ils périssent ; que les flèches qu’ils décochent soient comme émoussées!
Dans ce verset et les suivants, les images sont accumulées pour peindre la ruine des impies. — Le premier membre pourrait se traduire aussi : « Qu’il s’écoulent comme des eaux qui s’en vont. » — Dans les anciennes versions le premier verbe du second hémistiche est rapporté à Dieu, et on traduit : « il décoche ses flèches, jusqu’à ce qu’ils soient brisés. » Il est vrai que ce verbe est au singulier ; néanmoins il vaut mieux, avec le rabbin Kimchi et la plupart des commentateurs modernes, le rapporter aux méchants. On sait que les poètes passent fréquemment du pluriel au singulier, et la traduction que l’on obtient ainsi s’accorde mieux avec l’ensemble de ce morceau, dans lequel le psalmiste s’applique à faire ressortir la vanité des entreprises des méchants ; elle est aussi plus conforme au sens ordinaire du mot hébreu que nous rendons par comme.
Verset 9. Que, pareils à la limace, ils aillent se fondant, comme l’avorton d’une femme qui n’a pas vu le soleil!
« Il pourrait sembler ridicule de comparer ces géants à des limaces. Mais David donne gloire à Dieu en lui attribuant le pouvoir de détruire en un instant et sans difficulté ce que le monde juge insurmontable. Contemplant les jugements de Dieu avec les yeux de la foi, il est assuré que ces forces sur lesquelles les méchants s’appuient, pour se promettre un avenir de dix siècles, peuvent être anéanties très promptement » (Calvin).
Verset 10. Qu’avant que vos chaudières aient senti le nerprun, tant vert qu’enflammé, la tempête l’emporte.
On peut dire de ce verset avec Calvin : « L’intention du prophète n’est nullement douteuse ; il veut représenter la promptitude de la vengeance. » Mais si le sens général de ces paroles n’est pas difficile à déterminer, on ne peut en dire autant de quelques-uns des termes qui en font partie ; aussi les traducteurs sont-ils fort divisés. La traduction que nous donnons est celle qui est préférée par Calvin, Hengstenberg et la plupart des commentateurs modernes. Ils pensent que le psalmiste compare les méchants et leurs entreprises à des voyageurs qui, ayant fait les préparatifs d’un repas au milieu du désert, les voient subitement enlevés par une tourmente. On peut aussi justifier jusqu’à un certain point la traduction d’Abenesra : « Avant que les hommes s’en aperçoivent, vos épines deviendront un buisson, lequel, quoique vivant, Dieu enlèvera dans sa fureur. »[1] — Le nerprun, buisson épineux, qui s’employait comme combustible.
Verset 11. Le juste se réjouira en contemplant la vengeance, il baignera ses pieds dans le sang du méchant.
Nous avons déjà expliqué à l’occasion de passages semblables que la joie, que les fidèles peuvent éprouver en voyant le châtiment des méchants, ne vient pas d’un désir de vengeance, mais du zèle pour la gloire de Dieu. Comp. Ps 52.8 ; Ap 15.3-4. — L’expression « laver ses pieds dans le sang » annonce des jugements terribles. Comp. Ap 14.20.
Verset 12. Et l’on dira : Il y a pourtant un fruit pour le juste, il y a pourtant un Dieu qui juge sur la terre.
Comp. Es 3.10. — « La particule pourtant est destinée à repousser les doutes que pourrait nous suggérer la longue patience de Dieu » (Calvin). — Il est à remarquer que le verbe qui se trouve après le mot Dieu est au pluriel en hébreu. Dans ce cas et quelques autres semblables qui se rencontrent dans l’Ancien Testament, plusieurs commentateurs croient que l’Esprit saint a voulu enseigner la doctrine de la Trinité.
Pasteur Armand de Mestral, Commentaire sur le livre des Psaumes, p. 376-380
[1] D’après notre traduction, c’est le nerprun qui est emporté par la tempête, qu’il soit encore vert ou déjà enflammé. Mais il pourrait aussi être question de la viande, et on pourrait traduire : tant crue que brûlante, la tempête l’emporte.