- Cantique ; psaume ; pour les enfants de Coré.
- L’Éternel est grand et très digne de louanges, dans la cité de notre Dieu, sur la montagne de sa sainteté.
- Belle par son élévation, les délices de toute la terre, est la montagne de Sion, portant sur le côté du nord la ville du grand roi.
- Dieu dans ses palais s’est montré un rempart.
- Car voici, les rois s’étaient assemblés ; ils s’étaient avancés tous ensemble.
- Dès qu’ils virent, ils furent éperdus ; frappés d’épouvante, ils s’enfuirent promptement.
- Là, un tremblement les saisit, une angoisse, comme celle d’une femme qui enfante ;
- comme le souffle du vent d’orient, qui fracasse les navires de Tarsis.
- Ce que nous avions entendu, nous l’avons vu nous-mêmes, dans la cité de l’Éternel des armées, dans la cité de notre Dieu! Dieu la maintiendra pour toujours (Sélah).
- Ô Dieu, nous pensons à ton amour, dans l’enceinte de ton temple.
- Ô Dieu, comme ton nom, ta louange se répand jusqu’aux bouts de la terre ;
- La montagne de Sion se réjouit, les filles de Juda tressaillent de joie, à cause de tes jugements.
- Faites le tour de Sion et parcourez-en l’enceinte, comptez ses tours,
- remarquez son avant-mur, parcourez ses palais, afin d’en parler à la génération future.
- Car ce Dieu-là est notre Dieu, éternellement et à jamais ; c’est lui qui nous fera passer par-dessus la mort!
Ce Psaume est un Cantique d’actions de grâces au sujet de quelque grand danger dont la ville de Jérusalem est délivrée par la puissance de Dieu. Les commentateurs sont divisés, comme ils le sont pour l’explication du Ps 46. La plupart des modernes le croient composé par quelque auteur postérieur à David et le rapportent, les uns à la délivrance de Jérusalem sous le roi Josaphat, 2 Ch 20 (Rosenmüller, Hengstenberg, Gerlach), les autres au siège de Jérusalem par Sennachérib roi d’Assyrie (De Wette, Tholuck). Mais ces diverses hypothèses donnent lieu à des objections fondées ; par exemple, lors de l’invasion de Sennachérib ce n’était pas par plusieurs rois que Jérusalem se trouvait menacée. Nous préférons voir dans ce Psaume avec Jarchi, Kimchi et d’autres commentateurs juifs, une prophétie de David, qui a pu avoir un accomplissement partiel à diverses époques de l’histoire du peuple d’Israël mais qui doit en avoir un plus complet dans les derniers temps. Ce Psaume s’applique donc sans doute tout d’abord à l’Israël selon la chair et à la ville de Jérusalem ; mais il doit aussi porter nos pensées sur les promesses qui concernent la perpétuité et l’indestructibilité de l’Église, qui est la Sion de la nouvelle alliance. C’est pourquoi, dans l’Église anglicane, il se lit le jour de la Pentecôte.
On peut distinguer trois strophes. Dans la première, le psalmiste rend grâces à Dieu des privilèges dont il a honoré la sainte cité (vv. 2-4). La seconde raconte la délivrance (vv. 5-9). Dans la troisième, le psalmiste exprime encore la reconnaissance que lui inspire ce grand bienfait et exhorte les fidèles à en transmettre le souvenir aux générations suivantes (vv. 10-15).
Verset 2. L’Éternel est grand et très digne de louanges, dans la cité de notre Dieu, sur la montagne de sa sainteté.
« Il n’est aucun lieu de la terre où l’on ne voie briller la sagesse de Dieu, sa justice, sa bonté et ses autres perfections, mais c’est surtout dans l’Église qu’elles se montrent dans tout leur éclat » (Calvin). — Jérusalem est aussi appelée la cité de Dieu dans Ps 46.5.
Verset 3. Belle par son élévation, les délices de toute la terre, est la montagne de Sion, portant sur le côté du nord la ville du grand roi.
Ce verset présente des difficultés à cause de la concision extrême de l’original. Comme le dit très bien Hengstenberg, le psalmiste considère la sainte cité avec les yeux du théologien, plutôt qu’avec ceux du géographe et c’est essentiellement la beauté spirituelle de cette ville qui attire ses regards. La ville était construite sur quatre montagnes dont la plus élevée était le mont de Sion. Selon la plupart des commentateurs, les mots sur le côté du nord font simplement allusion à la circonstance que la partie la plus élevée et principale de la ville était construite sur le flanc septentrional du mont de Sion, et ce sens nous paraît aussi le plus naturel[1]. Cependant Hengstenberg fait remarquer que le mot hébreu que nous traduisons par côté signifie le plus souvent l’extrémité d’un objet ou d’une contrée, et il traduit : aux extrémités du nord. Il pense que le psalmiste fait allusion à une croyance des peuples de l’antiquité. On se représentait que la montagne, qui était censée être le séjour des dieux, se trouvait dans les régions septentrionales les plus reculées. C’est pourquoi, dire que Jérusalem était aux extrémités du nord, c’était dire que cette ville était le véritable siège de la divinité. À l’appui de cette explication, il fait valoir un passage d’Esaïe (Es 14.13) où il est aussi question de la montagne des dieux. St-Augustin rapproche également notre verset de ce passage d’Esaïe, mais selon lui le nord est le siège de la puissance du démon et du paganisme, et le psalmiste voudrait dire que l’empire du paganisme est devenu la ville de l’Éternel, en d’autres termes que l’union des Gentils avec le peuple de Dieu est accomplie. — Ville du grand roi. Ps 47.3 ; Mt 5.35. — Jérusalem est appelée les délices de toute la terre, à cause de la place considérable qu’elle occupe dans toute l’histoire du royaume de Dieu (Comp. Es 2.3). « C’est là que devait paraître le salut du monde » (Calvin).
Verset 4. Dieu dans ses palais s’est montré un rempart.
(Comp. Ps 46.8). « Ces paroles avertissent les fidèles que lorsqu’ils habitent des forteresses ou des palais, ils doivent bien prendre garde que cette splendeur et cette élévation ne leur fassent perdre de vue la grandeur et la puissance de Dieu qui doit être le seul fondement de leur confiance » (Calvin).
Verset 5. Car voici, les rois s’étaient assemblés ; ils s’étaient avancés tous ensemble.
Ce verset représente les ennemis de Jérusalem qui commencent leur entreprise avec un grand déploiement de forces et qui sont tous unis dans une même pensée de destruction (Comp. Ps 2.1-2). « La puissance et la malice des princes de la terre se sont déployées contre l’Église aussi bien que contre Jérusalem, mais l’issue a été toute semblable » (Horne). — La traduction que nous donnons pour le second membre se fonde sur le sens ordinaire du verbe hébreu qui signifie traverser, passer outre, envahir comme un torrent. La version hollandaise, Calvin, Ewald, traduisent de la même manière. La traduction ordinaire, appuyée par Hengstenberg, De Wette et autres commentateurs : ils ont passé, ils ont disparu, peut se justifier ; cependant il est plus naturel de supposer qu’il n’est question de la défaite des rois que dans le verset suivant.
Verset 6. Dès qu’ils virent, ils furent éperdus ; frappés d’épouvante, ils s’enfuirent promptement.
« Nous voyons aussi de nos jours l’Église assaillie par des forces considérables. Ce n’est là rien de nouveau. Dès le commencement Dieu a eu coutume d’humilier ainsi les siens, afin de faire paraître plus tard sa puissance avec plus d’éclat ; mais il n’a qu’à faire un signe pour nous délivrer. Cette pensée doit nous empêcher de chercher de côté et d’autre des secours humains » (Calvin). — Après ces mots, « ils virent », il faut sous-entendre quelque chose ; les commentateurs juifs disent qu’il s’agit des prodiges que Dieu opérera dans les derniers temps. Ez 38.22.
Versets 7-8. Là, un tremblement les saisit, une angoisse, comme celle d’une femme qui enfante ; comme le souffle du vent d’orient, qui fracasse les navires de Tarsis.
Le psalmiste représente l’effroi des ennemis et leur fuite sous deux images très frappantes. Nous retrouvons la première dans Es 21.3, la seconde dans Jr 18.17. Le vent d’Orient était connu par sa véhémence. Jb 27.21 ; Ez 27.26. Tarsis était une colonie phénicienne en Espagne, et comme c’était le but le plus éloigné des voyages des navigateurs, on appelait navires de Tarsis les plus grands vaisseaux (Comp. Es 2.16). — « Que personne ne mette sa confiance en des voiles bien enflées et ne se repose sur l’aspect favorable de la mer ou de la vie » (St- Augustin).
Verset 9. Ce que nous avions entendu, nous l’avons vu nous-mêmes, dans la cité de l’Éternel des armées, dans la cité de notre Dieu! Dieu la maintiendra pour toujours (Sélah).
Après les mots « ce que nous avions entendu », on peut sous-entendre : les promesses de Dieu, ou bien les délivrances déjà accomplies dans l’histoire du peuple de Dieu. Ce dernier sens, préféré par Calvin, nous paraît aussi le plus naturel (Comp. Ps 44.2). Quoi qu’il en soit, l’idée du psalmiste est toujours que le peuple de Dieu a vu de ses yeux s’accomplir ce qu’il était autorisé à espérer. Notre foi à la parole de Dieu se fortifie lorsqu’après avoir contemplé les grandes choses que Dieu opère sous nos yeux en faveur de son peuple, nous les comparons avec les enseignements et les promesses de l’Écriture. — Les commentateurs qui, comme Calvin, Hengstenberg et d’autres, ne font pas entrer en ligne de compte la restauration du peuple d’Israël, s’accordent à dire que le dernier hémistiche qui promet à la sainte cité une existence perpétuelle, ne peut pas se rapporter à la Jérusalem terrestre, puisque celle-ci a été détruite et que c’est de l’Église qu’il s’agit. Quant à nous, nous entendons ces paroles dans leur sens littéral, ce qui n’empêche pas que nous n’en prenions occasion de nous rappeler les promesses qui concernent la perpétuité de l’Église. Mt 16.18, 28.20. Quant à la Jérusalem terrestre, comp. Ps 46.6, 87.1,5.
Verset 10. Ô Dieu, nous pensons à ton amour, dans l’enceinte de ton temple.
Il n’est pas de sujet plus grand et plus profitable sur lequel nous puissions porter nos pensées que la bonté de Dieu.
Verset 11. Ô Dieu, comme ton nom, ta louange se répand jusqu’aux bouts de la terre ;
Comp. Ps 138.2.
Verset 12. La montagne de Sion se réjouit, les filles de Juda tressaillent de joie, à cause de tes jugements.
L’expression : filles de Juda, désigne probablement les villes de la Judée qui entouraient Jérusalem et qui en dépendaient ; cette image se retrouve Nb 21.25 ; Jos 17.16.
Verset 13. Faites le tour de Sion et parcourez-en l’enceinte, comptez ses tours,
Dans ce verset et le suivant, le psalmiste invite les fidèles à considérer avec attention Jérusalem, ses tours, ses palais, ses remparts, afin de fortifier leur foi, en découvrant qu’elle se trouvait dans un parfait état malgré les dangers auxquels elle venait d’être exposée.
Verset 14. remarquez son avant-mur, parcourez ses palais, afin d’en parler à la génération future.
Il y a quelque incertitude sur le sens du verbe qui commence le second membre. On s’accorde généralement cependant à lui donner celui de diviser, partager ; c’est pourquoi il a aussi celui de parcourir une ville, parce qu’en la traversant on laisse ses édifices à droite et à gauche. — Pour le troisième hémistiche, comp. Ps 78.6.
Verset 15. Car ce Dieu-là est notre Dieu, éternellement et à jamais ; c’est lui qui nous fera passer par-dessus la mort!
« Ce verset nous montre que le prophète n’a pas parlé des palais de Jérusalem, pour que les regards des fidèles y demeurassent attachés, mais pour qu’ils s’élevassent jusqu’à Dieu. Toutes les fois que nous voyons dans l’Église quelque chose de grand et d’excellent, c’est Dieu qui doit être célébré dans ses dons » (Calvin). — Ce Dieu. L’adjectif démonstratif n’est pas superflu ; il sert à distinguer le vrai Dieu de tous les dieux imaginaires. « Quoique les incrédules parlent de Dieu, quand on regarde au fond des choses, on voit qu’il n’y a rien de certain ni de positif dans leurs croyances » (Calvin). — Dans la plupart des versions, le dernier hémistiche est ainsi traduit : il nous conduira jusqu’à la mort ; mais la traduction que nous donnons d’après la version syriaque, Michaëlis et Stier, s’accorde mieux avec le sens ordinaire de la préposition hébraïque (hal), et donne un sens plus beau et plus profond ; elle exprime la foi du psalmiste à l’immortalité de l’âme (Comp. Ps 23.6 ; Es 25.6-10).
Pasteur Armand de Mestral, Commentaire sur le livre des Psaumes, p. 324-330
[1] Nous avons dû introduire dans le second hémistiche un verbe qui ne se trouve pas dans l’hébreu.