- Pour le Maitre-Chantre. Enseignement. Pour les enfants de Coré.
- Comme une biche brame après les courants d’eau, ainsi mon âme brâme après toi, ô Dieu!
- Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant. Oh! quand irai-je me présenter devant la face de Dieu?
- Mes larmes sont mon pain jour et nuit, parce qu’on me dit tout le jour : Où est ton Dieu?
- Je veux m’en souvenir et épancher mon âme sur moi : je m’avançais avec la foule, je les conduisais lentement vers la maison de Dieu, au milieu des chants de joie et d’actions de grâces d’une multitude en fête.
- Pourquoi es-tu abattue, ô mon âme, et gémis-tu en moi? Attends-toi à Dieu, car je le célébrerai encore, les délivrances de sa face.
- Mon Dieu, mon âme est abattue en moi ; c’est pourquoi je me souviens de toi, dans le pays du Jourdain et des Hermons, petite montagne.
- Un abîme appelle un autre abîme à la voix de tes cataractes ; toutes tes vagues et tous tes flots passent sur moi.
- Durant le jour l’Éternel commandera à sa bonté, et la nuit son cantique sera avec moi ; j’invoquerai le Dieu qui est ma vie.
- Je dis à Dieu, mon rocher : Pourquoi m’as-tu oublié? Pourquoi dois-je marcher en habits de deuil, sous le joug de l’ennemi?
- La mort est dans mes os quand mes ennemis m’outragent en me disant tout le jour : Où est ton Dieu?—
- Pourquoi es-tu abattue, ô mon âme, et gémis-tu en moi? attends-toi à Dieu, car je le célébrerai encore, les délivrances de ma face et mon Dieu.
Ce Psaume est intitulé Enseignement. Comp. le titre du Ps 32. — On sait que les descendants de Coré, petit-fils de Lévi, formaient un corps de chantres, auxquels David avait confié la direction de la musique sacrée. 1 Ch 6.22 ; 2 Ch 20.19. Il existe onze Psaumes en tête desquels nous lisons : Pour les enfants de Coré. Hengstenberg et d’autres commentateurs pensent que ce titre indique que ces Psaumes ont été composés par quelques-uns de ces descendants de Coré, car on peut aussi traduire, comme le font plusieurs versions : Des enfants de Coré. Mais nous avons déjà exposé, dans l’Introduction chap. III, les raisons pour lesquelles nous croyons que David était l’auteur de ces Psaumes aussi bien que des autres et que leur exécution avait été confiée d’une façon spéciale aux enfants de Coré. C’est peut-être l’idée que l’on a voulu exprimer dans la version chaldéenne qui peut être considérée comme représentant la tradition juive ; elle porte : « Par les mains des fils de Coré. » — Il est assez probable que David composa ce Psaume dans le temps où il fut obligé de s’enfuir de Jérusalem à cause de la révolte d’Absalom. Les sentiments qu’il éprouva dans cette circonstance s’accordent bien avec ceux qui sont exprimés dans ce Psaume, voyez 2 S 15.25-26. Le verset 5 nous rappelle ce que nous apprennent les livres historiques de la place que le psalmiste occupait dans les solennités religieuses depuis son avènement au trône. 2 S 6.4. Le psalmiste parle (v. 7) du pays du Jourdain et de l’Hermon comme de celui où il se trouvait quand il adressait à Dieu cette prière, et nous savons que Mahanajim, où il se réfugia devant Absalom, était en effet situé sur la rive gauche du Jourdain, non loin du pied de l’Hermon. 2 S 16.22-24.
Ce Psaume nous retrace avec une grande vérité les combats qui se livrent souvent dans l’âme des fidèles entre la foi et le découragement et il est très propre à instruire et à consoler ceux qui passent par des épreuves spirituelles de ce genre. Nous pouvons aussi y voir une prière du Christ dans son état d’abaissement et de souffrance. Il peut enfin servir à exprimer tant les lamentations que les espérances du peuple d’Israël dans sa dispersion actuelle et dans les persécutions que le résidu fidèle aura à endurer de la part de l’Antichrist.
Chacune des deux strophes renferme une prière dans laquelle le psalmiste exprime d’abord un profond abattement, mais qui se termine par une parole d’espérance qui forme une sorte de refrain (vv. 6,12).
Verset 2. Comme une biche brame après les courants d’eau, ainsi mon âme brâme après toi, ô Dieu!
Le temple et le culte qui s’y célébrait étaient pour les fidèles de l’ancienne alliance un très grand secours pour entretenir leur communion avec Dieu, et c’était pour eux une privation très sensible que de s’en trouver éloignés, comme l’était David quand il composa ce Psaume. Calvin rend bien compte de l’état d’âme du psalmiste quand il dit : « David se trouvant privé du culte public, il lui semblait que le chemin du ciel lui était fermé. C’est là une leçon pour les esprits orgueilleux qui méprisent les moyens de grâce, comme s’ils pouvaient pénétrer dans le ciel à volonté. » Sous la nouvelle alliance, le culte public, la prédication, les sacrements sont encore nécessaires, et plus qu’on ne le pense, pour réveiller et nourrir notre foi. Mais il n’arrive pas souvent que nous recherchions Dieu, sa présence et ses grâces avec un désir aussi fervent que celui du psalmiste. Aussi ce Psaume peut nous servir en quelque sorte de thermomètre moral. Dans son discours sur ce Psaume, St-Augustin disait : « Venez, mes frères, soyez comme moi consumés par cette soif, hâtons-nous d’aller à la fontaine de l’intelligence. » Il nous apprend que ce Psaume était ordinairement chanté, par les catéchumènes, à l’approche du moment où ils devaient recevoir le Saint-Baptême. — Le psalmiste se représente sous l’image d’une biche tourmentée par la soif au milieu d’une contrée aride et sans eau. Comp. Jl 1.20.
Verset 3. Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant. Oh! quand irai-je me présenter devant la face de Dieu?
« Mon âme a soif. » Comp. Mt 5.6. — Le fidèle a besoin de savoir que son Dieu est vivant ; ce n’est qu’avec un Dieu vivant qu’il peut véritablement entrer en communion. Comp. Ps 18.47 et 84.3. — « Se présenter devant la face de Dieu » signifie fréquenter le service divin. Ex 23.15.
Verset 4. Mes larmes sont mon pain jour et nuit, parce qu’on me dit tout le jour : Où est ton Dieu?
Le psalmiste dit « que ses larmes lui servent de pain. » Chacun sait par expérience que, dans les grandes tristesses, on perd l’appétit. 1 S 1.7 ; Ps 102.5. — Les ennemis de David s’efforçaient de lui persuader que son Dieu lui-même l’avait abandonné. Les paroles : où est ton Dieu? nous rappellent la malédiction prononcée par Simhi. 2 S 16.7,8. Calvin remarque avec raison que sans doute le grand ennemi des âmes lui faisait entendre le même langage pour le pousser au découragement. Ces paroles nous rappellent aussi un trait de la passion du Sauveur. Ps 22.9 ; Mt 27.40,43.
Verset 5. Je veux m’en souvenir et épancher mon âme sur moi : je m’avançais avec la foule, je les conduisais lentement vers la maison de Dieu, au milieu des chants de joie et d’actions de grâces d’une multitude en fête.
Les mots de l’original que nous traduisons par : « Je veux m’en souvenir » peuvent se rapporter soit au temps de la détresse, soit au temps où le psalmiste jouissait librement des saintes assemblées. Stier adopte la première interprétation et il pense que nous trouvons déjà dans ce verset la victoire de la foi sur le découragement et que David y exprime la ferme espérance de recouvrer bientôt les privilèges dont il était alors privé ; il traduit : je m’avancerai entouré de la foule. Il est vrai que dans l’original le verbe s’avancer et le suivant sont au futur, ce qui justifierait cette traduction. Cependant on sait qu’en hébreu cette forme du verbe s’emploie souvent pour exprimer le temps présent et même le passé. La plupart des commentateurs lui donnent ici le sens du passé et rapportent : « Je m’en veux souvenir » à ce qui suit. Cette explication s’accorde mieux avec la série des idées dont se compose cette première strophe. — J’épanche mon âme, langage de la douleur et de la prière. Comp. 1 S 1.15 ; Ps 142.3. — Remarquons que ce que David regrette dans son exil, ce ne sont pas les pompes et les plaisirs de sa cour, mais ses privilèges religieux.
Verset 6. Pourquoi es-tu abattue, ô mon âme, et gémis-tu en moi? Attends-toi à Dieu, car je le célébrerai encore, les délivrances de sa face.
Ce verset est une vive peinture du combat entre la foi et le découragement et, en général, des luttes spirituelles par lesquelles tout fidèle doit passer tôt ou tard. Il nous rappelle aussi les terribles angoisses de notre Sauveur en Gethsémané. Mt 26.38. — Le verbe hébreu que nous traduisons par gémir est le même qui s’emploie en parlant du mouvement des vagues de la mer. Ps 46.4. — Les mots : les délivrances de sa face, dépendent encore du verbe célébrer et sont une épithète que le psalmiste donne à Dieu, dans le but d’exprimer que c’est le Dieu qui délivre, le Dieu qui donne la délivrance. Le mot délivrances est au pluriel, pour indiquer le grand nombre et la variété des délivrances que l’Éternel accorde aux siens. Ces délivrances sont appelées délivrances de sa face, parce que c’est par sa face, par le regard de sa face, que Dieu les opère. La face de Dieu est fréquemment représentée comme la source de ses bienfaits. Comp. Nb 6.25,26 ; Ps 31.17. On pourrait traduire aussi : à cause des délivrances de sa face, cependant l’arrangement des mots au verset 12, qui est presque la répétition de celui-ci, favorise notre traduction. —Remarquons avec Richter que ces mots « pourquoi es-tu abattue? » renferment une sorte de reproche que le psalmiste s’adresse à lui-même. Quand nous sommes tristes et abattus, nous avons toujours quelques reproches à nous faire ; c’est l’indice d’un affaiblissement dans notre foi.
Verset 7. Mon Dieu, mon âme est abattue en moi ; c’est pourquoi je me souviens de toi, dans le pays du Jourdain et des Hermons, petite montagne.
Les mots : c’est pourquoi, qui commencent le second membre, indiquent que David sentait qu’il n’y avait pas d’autre remède à son abattement que de s’approcher de Dieu par la prière. « Le cœur humain est comme un atelier dans lequel Satan fabrique toute sorte d’arguments pour nous pousser au désespoir ; c’est pourquoi il nous faut lutter énergiquement par la prière » (Calvin). — L’Hermon est une montagne ou plutôt une chaîne de montagnes qui forme l’extrémité orientale de la chaîne du Liban. Ce nom est au pluriel, comme on dit : les Alpes, etc.
Verset 8. Un abîme appelle un autre abîme à la voix de tes cataractes ; toutes tes vagues et tous tes flots passent sur moi.
Le psalmiste représente ses maux sous des images qui sont fréquentes dans l’Écriture (Ps 18.17, 32.6, etc.), mais qui pouvaient lui être plus particulièrement suggérées par la contrée riche en sources et en cascades où il se trouvait alors. Les cataractes sont les eaux qui descendaient avec fracas des montagnes. — Les flots se succédant avec rapidité semblent s’appeler les uns les autres ; de là cette expression : À la voix de tes cataractes. — Calvin fait remarquer que David ne s’arrête pas aux hommes qui étaient les auteurs de ses maux, mais qu’il remonte à Dieu qui avait permis cette épreuve, car il dit : « TES cataractes, TES vagues, etc. »
Verset 9. Durant le jour l’Éternel commandera à sa bonté, et la nuit son cantique sera avec moi ; j’invoquerai le Dieu qui est ma vie.
En hébreu, le verbe commander a la forme du futur, et en lui laissant ce sens (comme le fait Calvin), nous trouvons dans ce verset l’espoir de la délivrance. Il n’est point nécessaire de lui donner le sens du présent ou du passé, comme le font Rosenmûller, Hengstenberg et d’autres. Nous savons en effet, par notre propre expérience, avec quelle rapidité les sentiments les plus divers, la joie et la tristesse, l’abattement et l’espérance peuvent se succéder dans le cœur de l’homme. L’expression il commandera indique combien l’attente du psalmiste était vive et ferme. — La prière dont il est question dans le troisième membre est, selon Calvin, une prière d’actions de grâces pour la délivrance que l’œil de la foi voit comme déjà accomplie ; cependant il nous paraît plus naturel de penser qu’il s’agit encore d’une prière pour obtenir la délivrance, prière que nous trouvons exprimée dans les deux versets suivants. En effet, l’espérance même pousse à prier et y encourage. — En appelant Dieu, le Dieu qui est ma vie, le psalmiste pense sans doute plus encore à la vie de l’âme qu’à celle du corps. Comp. Ps 27.1.
Verset 10. Je dis à Dieu, mon rocher : Pourquoi m’as-tu oublié? Pourquoi dois-je marcher en habits de deuil, sous le joug de l’ennemi?
Mon rocher. Comp. Ps 18.3, 31.4. Pour le second hémistiche, comp. Ps 13.2, 22.2. — En habit de deuils. Comp. Ps 35.14, 38.7.
Verset 11. La mort est dans mes os quand mes ennemis m’outragent en me disant tout le jour : Où est ton Dieu?
Le psalmiste veut dire que ses os étaient comme brisés par la douleur que lui faisaient éprouver les insultes des ennemis. « Ces expressions ne paraîtront pas exagérées au vrai Adèle, car rien ne lui est plus douloureux que d’entendre des outrages contre Dieu et contre sa parole » (Calvin).
Verset 12. Pourquoi es-tu abattue, ô mon âme, et gémis-tu en moi? attends-toi à Dieu, car je le célébrerai encore, les délivrances de ma face et mon Dieu.
Ce verset est une répétition du verset 6, sauf un léger changement. Ici le psalmiste ajoute au second membre le nom de Dieu et ne parle plus de la face de Dieu, mais de la sienne. Il appelle Dieu les délivrances de ma face, parce que le visage de l’homme porte le reflet des mouvements de l’âme, entre autres de la joie que causent les bienfaits de Dieu. « Ces répétitions, dit Calvin, montrent que David fut assailli à plusieurs reprises par la même tentation. Ce sera pour nous une consolation de le savoir quand nous passerons par des combats semblables. »
Pasteur Armand de Mestral, Commentaire sur le livre des Psaumes, p. 294-300