- Pour le Maître-Chantre ; Psaume pour David.
- Heureux celui qui est intelligent à l’égard du malheureux! Au jour du mal l’Éternel le délivrera.
- L’Éternel le gardera et le fera vivre ; il sera rendu heureux sur la terre : jamais tu ne le livreras aux désirs de ses ennemis.
- L’Éternel le soutiendra sur le lit de langueur ; tu transformes complètement sa couche quand il est malade.
- Je dis : Éternel aie pitié de moi! guéris mon âme, car j’ai péché contre toi.
- Mes ennemis prononcent du mal contre moi : « Quand mourra-t-il, quand périra son nom? »
- Vient-il me voir, il parle avec fausseté, son cœur fait provision de malice ; il s’en va, il parle au dehors.
- Tous ceux qui me haïssent chuchotent ensemble contre moi, ils méditent contre moi ce qui m’est fâcheux.
- « Une œuvre de Bélial est attachée à lui, et celui qui est couché ne se relèvera plus. »
- Même celui avec qui j’étais en paix, en qui je me confiais, qui mangeait mon pain, a levé le talon contre moi.
- Mais toi, Éternel, aie pitié de moi et relève-moi, et je les récompenserai.
- À ceci je connaîtrai que tu prends plaisir en moi, c’est que mon ennemi ne criera pas de joie à mon sujet.
- Et moi, à cause de mon intégrité, tu m’as maintenu, et tu me feras subsister devant ta face éternellement.
- Béni soit l’Éternel, le Dieu d’Israël, d’éternité en éternité! Amen, oui, amen!
Les commentateurs juifs disent que ce Psaume fut composé par David dans un temps de maladie. À l’appui de cette supposition on peut citer l’expression : celui qui est couché (vers. 9) ; mais on voit qu’en même temps il se trouvait serré de près par ses ennemis. On pense assez généralement que le psalmiste put se trouver sous le coup de cette double épreuve à l’époque de la révolte d’Absalom et que l’ami dont il déplore la perfidie (v. 10) était Ahitophel. 2 S 15.12,31. Dans la version arabe, ce Psaume est intitulé : De l’incarnation du Christ et du baiser de Judas. St-Augustin dit aussi que c’est Jésus-Christ qui parle ici, tant de sa passion que de celle des membres de son corps. Nous devons en effet ne point nous arrêter à David et à son histoire en lisant ce Psaume, mais y voir à la fois David et le Messie, d’autant plus que nous voyons notre Sauveur citer le verset 10 comme ayant trouvé son accomplissement dans la trahison de Judas dont celle d’Ahitophel était un type. Jn 13.18.
Les trois premiers versets forment un préambule dans lequel le psalmiste fortifie sa foi par la méditation des promesses de Dieu. Dans les versets 5-10, il expose sa détresse et demande à Dieu de le délivrer. Il termine par des actions de grâces pour la délivrance dont il se réjouit d’avance par la foi (11-14).
Verset 2 Heureux celui qui est intelligent à l’égard du malheureux! Au jour du mal l’Éternel le délivrera.
C’est affaiblir ce beau passage que de le traduire comme le font quelques versions : Heureux celui qui s’intéresse au malheureux. Le verbe hébreu (sakal) signifie : être sage, être intelligent, se conduire sagement. Le psalmiste célèbre le bonheur de ceux qui comprennent bien les vues de Dieu envers les affligés et leurs propres devoirs envers eux. Cette connaissance ne demeure pas stérile et les porte à administrer aux malheureux des consolations et des bienfaits, ainsi que David le faisait lui-même. Ps 35.13-14. « Heureux, dit Calvin, celui qui ne porte pas sur l’affligé un jugement dur et téméraire, et qui ne le regarde pas comme abandonné de Dieu, ainsi que le faisaient les amis de Job, mais qui comprend que Dieu peut avoir sur lui des vues de miséricorde et le relever de son abaissement. » Mais nous ne pouvons guère douter que l’Esprit de Dieu n’ait voulu porter notre pensée principalement sur Celui qui a été affligé, pauvre et chétif plus qu’aucun des enfants d’Adam. Es 52.14, 53.3. « Être intelligent à l’égard du malheureux, c’est comprendre qu’il y a des richesses cachées dans ce Jésus que l’on voit pauvre, c’est ne pas se scandaliser de sa mort tellement qu’elle nous empêche de contempler sa divinité » (St- Augustin). « Heureux, dit le Sauveur, celui qui ne se scandalisera pas en moi. » Mt 11.6. Celui qui sait discerner la grandeur du Messie dans son abaissement ne peut manquer de se conduire sagement et avec charité envers les autres affligés.
Versets 3-4. L’Éternel le gardera et le fera vivre ; il sera rendu heureux sur la terre : jamais tu ne le livreras aux désirs de ses ennemis. L’Éternel le soutiendra sur le lit de langueur ; tu transformes complètement sa couche quand il est malade.
Les paroles « tu transformes sa couche » peuvent s’entendre ou bien d’une guérison complète, ou bien des forces morales qui sont accordées au malade.
Verset 5. Je dis : Éternel aie pitié de moi! guéris mon âme, car j’ai péché contre toi.
Dans ce verset et les suivants, l’affligé fait la peinture de l’état de souffrance et d’abaissement dans lequel il est plongé lui-même et qui lui a donné l’occasion de s’écrier : « Heureux celui qui est intelligent à l’égard du malheureux. » — Les paroles « guéris mon âme, car j’ai péché contre toi » nous rappellent l’étroite relation qui existe entre la souffrance et le péché. Dans la bouche du Messie, elles s’expliquent comme Ps 31.11, 40.13.
Verset 6. Mes ennemis prononcent du mal contre moi : « Quand mourra-t-il, quand périra son nom? »
Nous pouvons nous représenter que c’était là le langage des ennemis de David ; ainsi parlaient aussi ceux du Messie (Voyez, par exemple, Jn 11.53). Nous voyons encore aujourd’hui un monde plongé dans le mal souhaiter la ruine de l’Église de Jésus-Christ et persécuter ses plus fidèles ministres.
Verset 7. Vient-il me voir, il parle avec fausseté, son cœur fait provision de malice ; il s’en va, il parle au dehors.
L’affligé se plaint de ce que ses ennemis feignent une compassion hypocrite, tandis que leur cœur demeure rempli d’intentions criminelles. Ce trait peut être rapproché de l’hypocrisie des scribes et des pharisiens (Comp. Luc 20.20).
Verset 8. Tous ceux qui me haïssent chuchotent ensemble contre moi, ils méditent contre moi ce qui m’est fâcheux.
Calvin dit : « Il plaisait à Dieu d’éprouver son serviteur, tellement qu’il était accablé par les reproches des hommes et qu’il n’avait plus d’appui que sa bonne conscience. » Lorsque nous nous trouvons dans une position semblable, nous devons aussi chercher la justice plus haut que la terre.
Verset 9. « Une œuvre de Bélial est attachée à lui, et celui qui est couché ne se relèvera plus. »
Ce verset contient les propos des ennemis. Selon Hengstenberg, l’œuvre de Bélial, qu’ils disent être attachée à l’affligé, c’est le mal qu’ils se proposaient de lui faire eux-mêmes et qu’il ne pouvait éviter. Mais il n’est pas naturel de supposer qu’ils eussent eux-mêmes caractérisé leur propre conduite par une expression aussi sévère, et il est plus probable qu’il est question de quelque action abominable dont ils l’accusaient. Une œuvre de Bélial, est une œuvre diabolique, inspirée par Satan. Pour l’explication de Bélial, voyez Ps 18.5. — Cette parole « il ne se relèvera pas » peint bien le triomphe passager et les illusions des ennemis du Messie au moment où il venait d’expirer sur la croix.
Verset 10. Même celui avec qui j’étais en paix, en qui je me confiais, qui mangeait mon pain, a levé le talon contre moi.
Ces paroles, comme nous l’avons dit dans l’introduction, sont une prédiction de la trahison de Judas (Comp. Luc 22.21). Dans la citation qu’il fait de ce passage (Jn 13.18). Notre Seigneur a omis les mots : « en qui je me confiais. » Il n’est cependant pas probable qu’il l’ait fait dans l’intention de marquer qu’il ne se fiait pas à Judas ; car le fait qu’il l’avait placé au nombre de ses apôtres impliquait de sa part un certain degré de confiance. Toutefois Jésus savait en même temps que Judas le trahirait. Jn 6.64. La présence de ce malheureux disciple dans le corps des apôtres et la sinistre conclusion de son histoire constituent l’un de ces faits mystérieux dans lesquels notre intelligence est forcée de reconnaître à la fois, sans pouvoir les concilier, la prescience de Dieu et la liberté de l’homme. — « Il a levé le talon contre moi. » Image qui fait peut-être allusion au cheval qui lève le talon contre son maître.
Verset 11. Mais toi, Éternel, aie pitié de moi et relève-moi, et je les récompenserai.
Celui dont les ennemis disaient : « il ne se relèvera plus » (v. 9), est convaincu que son Dieu a la puissance de le relever. — Cette parole « je les récompenserai » a quelque chose de dur au premier abord, car il faut évidemment entendre par là les châtiments que l’affligé se propose d’infliger à ses ennemis quand Dieu l’en aura délivré ; il serait peu naturel d’y voir, comme Stier, l’intention de leur rendre le bien pour le mal. Nous avons expliqué, dans l’Introduction chap. VI comment David a pu exprimer de pareils sentiments. « David était un roi que Dieu lui-même avait revêtu de sa puissance ; ce n’est donc pas par l’impulsion de la chair, mais en vertu de sa charge qu’il annonce le châtiment à ses ennemis » (Calvin). Dans la bouche du Messie ces paroles rappellent Ps 2.9, 18.37-42.
Verset 12. À ceci je connaîtrai que tu prends plaisir en moi, c’est que mon ennemi ne criera pas de joie à mon sujet.
« Tu prends plaisir en moi » (Comp. Ps 22.9 ; Mt 3.17, 17.5).
Verset 13. Et moi, à cause de mon intégrité, tu m’as maintenu, et tu me feras subsister devant ta face éternellement.
« À cause de mon intégrité » (Comp. Ps 18.24). — Le second hémistiche du verset se rapporte au bonheur que le fidèle espère dans une autre économie et à la glorification du Messie (Voyez Ps 16.11, 17.15, 23.6, 110.4).
Verset 14. Béni soit l’Éternel, le Dieu d’Israël, d’éternité en éternité! Amen, oui, amen!
Le mot « Amen » exprime la certitude, une espérance ferme et inébranlable, il peut se traduire par « en vérité » (Comp. Dt 27.15 ; Jr 11.5 ; Ap 1.7).
Pasteur Armand de Mestral, Commentaire sur le livre des Psaumes, p. 290-294