- Psaume pour David. O Éternel, qui pourra séjourner dans ton tabernacle, habiter sur ta sainte montagne?
- C’est celui qui marche dans la perfection, qui pratique la justice, et qui dit la vérité avec son cœur.
- Il ne porte point la calomnie sur sa langue, il ne fait point de mal à son semblable et ne soulève point d’opprobre contre son prochain.
- Le réprouvé est à ses yeux digne de mépris, mais ceux qui craignent l’Éternel, il les honore : s’il a juré à son dommage, il n’y change rien ;
- il ne donne pas son argent à intérêt, et n’accepte pas de présent contre l’innocent. — Celui qui fait ces choses ne sera point ébranlé éternellement.
On pense assez généralement que David composa ce Psaume à l’occasion de l’arrivée de l’Arche de l’Alliance sur la montagne de Sion (2 S 6.12-15) et dans l’intention de rappeler aux fidèles que, pour qu’ils pussent jouir des bénédictions attachées au service divin et rendre à Dieu un culte qui lui fût agréable, il fallait que leur vie tout entière fût un culte, une vie d’obéissance et de sainteté. « Ce Psaume nous enseigne que c’est en vain que les hypocrites viennent prendre place dans le temple de Dieu et qu’ils ont le nom de Dieu à la bouche ; car Dieu ne reconnaît pour siens que ceux qui, dans toute leur vie, s’appliquent à la droiture et à la justice » (Calvin). Ce Psaume est donc destiné à combattre le formalisme ; mais n’oublions pas que le formalisme est de tous les temps. On n’est que trop disposé à s’imaginer qu’il suffit pour être sauvé d’appartenir à l’Église visible et de prendre part à son culte.
Quelle que soit l’époque à laquelle ce Psaume a été composé, c’est probablement avec intention qu’il a été placé dans le recueil à côté du Psaume 14, dont il est en quelque manière le complément. Le Psaume 14 donnait à entendre qu’au milieu de l’humanité plongée dans le mal, il existait cependant une race juste, et le Psaume 15 nous montre quels sont les caractères de ces justes. Il se lit dans l’Église anglicane le jour de l’Ascension. Et il peut en effet être considéré comme ayant trouvé son parfait accomplissement en la personne de notre Seigneur, du juste par excellence, qui seul a mérité, par lui-même, d’être aimé de Dieu et admis dans les tabernacles célestes, et qui, par sa mort et son ascension, en a ouvert l’entrée à tous ceux qui croient en Lui.
Ce Psaume se compose d’une seule strophe. Le premier verset renferme une question à laquelle répondent les quatre suivants.
Verset 1. O Éternel, qui pourra séjourner dans ton tabernacle, habiter sur ta sainte montagne?
O Éternel. C’est à Dieu que le psalmiste adresse l’importante question renfermée dans le premier verset, car il sait que les hommes se font facilement des illusions sur la nature du service de Dieu et sur les conditions du salut. — C’est dans le tabernacle que le service divin se célébrait avant la construction du temple. Cet édifice était considéré comme étant d’une façon particulière la résidence de Dieu, sa maison, son palais ; pour avoir le droit d’y être admis, il fallait être par le cœur et par la vie en communion avec Dieu, du nombre des amis de Dieu, des membres de sa famille. Voyez Ps 5.8, 23.26, 27.5. C’est pourquoi dans le Nouveau Testament les fidèles sont aussi appelés gens de la maison de Dieu. Ep 2.19. Le mot hébreu (Ohel), que les versions françaises rendent ordinairement par tabernacle, signifie proprement une tente ; ce nom avait été donné au sanctuaire érigé dans le désert, ainsi qu’à celui par lequel David l’avait remplacé 2 S 6.17, parce que c’était un édifice construit de manière à pouvoir facilement se transporter d’un lieu à un autre. — Ta sainte montagne. Voyez Ps 2.6, 14.7. L’épithète sainte contient en quelque sorte déjà la réponse à la question du psalmiste. La montagne de l’Éternel étant sainte, pour y être admis, il faut aimer la sainteté et s’y appliquer. Voyez Ap 21.27.
Verset 2. C’est celui qui marche dans la perfection, qui pratique la justice, et qui dit la vérité avec son cœur.
L’Éternel répond par la bouche du psalmiste. Hengstenberg fait remarquer que David caractérise les justes par la manière dont ils accomplissent les devoirs envers le prochain, parce que c’est une classe de devoirs dans lesquels il est moins facile de substituer les apparences à la réalité. Le Nouveau Testament insiste également sur ces devoirs qui semblent élémentaires, et qui, cependant, sont négligés par bien des personnes qui passent pour pieuses. Le mot hébreu (tamim) que plusieurs versions traduisent par intégrité est plus exactement rendu par perfection ; il s’emploie en parlant d’une chose qui est complète, sans défaut, à laquelle il ne manque rien ; c’est dans ce sens que l’épithète de parfait est donnée à Noé (Gn 6.9), à Job (Jb 1.1), et que notre Seigneur nous invite à être parfaits. Mt 5.48. Il va sans dire d’ailleurs que la perfection que le fidèle peut attendre ici-bas est toujours relative. St-Paul pouvait aussi se rendre le témoignage qu’il avait une conscience pure devant Dieu et devant les hommes. Ac 24.16. Le Nouveau Testament nous déclare aussi bien que l’Ancien que celui-là seul peut jouir de la communion du Seigneur qui fait ce qui est juste. 1 Jean 2.29, 3.7. Les antinomiens ne peuvent pas plus s’appuyer sur le Nouveau Testament que sur l’Ancien. — Le fidèle dit la vérité avec son cœur : son cœur est parfaitement d’accord avec ses paroles ; il n’est pas de ceux qui ont un cœur double. Ps 12.3. « Le cœur et la langue sont tellement à l’unisson, que les paroles sont la vivante effigie des sentiments » (Calvin). Comp. Ep 4.25.
Verset 3. Il ne porte point la calomnie sur sa langue, il ne fait point de mal à son semblable et ne soulève point d’opprobre contre son prochain.
La réputation du prochain est un bien que le fidèle respecte aussi bien que tous les autres ; il se garde d’y porter atteinte par des calomnies, ou même par de simples médisances. L’original porte : il ne lève point d’opprobre. Cette expression renferme une image. Au lieu de répandre un bruit fâcheux, il le laisse en quelque sorte à terre, il ne le relève pas. — Les expressions : prochain, semblable, rappellent les liens sacrés qui existaient entre tous les membres du peuple de Dieu. St-Paul appuie le devoir de la véracité par la considération que nous sommes tous « membres les uns des autres. » Ep 4.25.
Verset 4. Le réprouvé est à ses yeux digne de mépris, mais ceux qui craignent l’Éternel, il les honore : s’il a juré à son dommage, il n’y change rien ;
Le réprouvé est à ses yeux digne de mépris. Tous les jugements du fidèle sont réglés par la parole de Dieu ; il ne fait point acception de personnes ; il ne craint pas de témoigner hautement son estime et son affection pour tous ceux qui sont nés de Dieu, lors même qu’ils sont d’humble condition et dédaignés du monde ; d’un autre côté, si quelqu’un est réprouvé (rejeté de Dieu), il ne lui témoigne aucune estime, lors même qu’il fait grande figure dans le monde et qu’il est haut placé par sa naissance, ses richesses ou les charges dont il est revêtu, car il sait que ce serait participer à ses mauvaises œuvres. Voyez Es 5.20 ; Ep 5.11. Or, comme le remarque très bien Calvin, « cette fermeté n’est pas une vertu très commune. Car, comme il arrive souvent que les gens pieux sont en quelque sorte la balayure du monde, il arrive aussi que ceux qui se déclarent leurs amis attirent sur eux la haine du monde. » — Le dernier hémistiche du verset 4 est traduit par quelques-uns (Rosenmuller, De Wette) : s’il a juré au méchant, il n’y change rien, par d’autres (les Septante, Vulg.) : s’il a juré à son prochain, il n’y change rien. La version que nous donnons paraît celle qui peut le mieux se justifier ; elle est préférée par Calvin et Hengstenberg. — « Rien n’est plus commun que de voir les gens se servir du plus mince prétexte pour rompre leurs engagements. David condamne cette légèreté et exige que les enfants de Dieu se montrent tout autrement fidèles à leurs promesses » (Calvin).
Verset 5. il ne donne pas son argent à intérêt, et n’accepte pas de présent contre l’innocent. — Celui qui fait ces choses ne sera point ébranlé éternellement.
La loi de Moïse (Ex 22.25) défendait l’usure et même tout prêt à intérêt. Observons cependant que le législateur n’avait en vue que les prêts faits par des riches à des pauvres et dans lesquels les premiers peuvent facilement abuser de la position des seconds et transgresser ainsi la grande loi de la fraternité. Mais il n’avait probablement pas voulu interdire les prêts d’une autre catégorie, les transactions dans lesquelles les riches se prêtent entre eux et avec profit pour l’emprunteur, opérations de banque, etc. « Le nom d’usure ne s’applique pas au parti que quelqu’un peut tirer de son argent quand il le prête sans faire tort à personne » (Calvin). Toutefois, comme le remarque encore Calvin, cette loi subsiste dans son esprit. Le chrétien doit, aussi bien que l’Israélite, se garder soigneusement d’abuser de la position de ceux avec lesquels il a à faire, il doit user de ménagements et de patience envers des débiteurs pauvres et se résigner quelquefois à des sacrifices, quand l’honneur de l’Évangile paraît l’exiger. Comp. Mt 7.12. — Il ne prend pas de présents contre l’innocent. Calvin montre que la loi qui défend ce péché (Ex 23.6-8) ne concerne pas seulement les juges proprement dits qui seraient tentés de se laisser corrompre. Chacun peut se laisser entraîner par son intérêt à se faire le patron de quelque cause injuste ou immorale. — Le Psaume se termine par une déclaration générale qui en est le résumé. Le rabbin Kimchi fait remarquer que le mot éternellement indique la foi du psalmiste à une autre vie. « Ce n’est pas en la mort seulement qu’il ne sera point ébranlé ; mais encore après sa mort son âme demeurera dans le lieu de la gloire. »
Pasteur Armand de Mestral, Commentaire sur le livre des Psaumes, p. 134-138