Psaume. Pour David.
- Ô Éternel! je t’appelle, hâte-toi vers moi! Prête l’oreille à ma voix quand je t’appelle!
- Que ma prière se place devant ta face comme l’encens, l’élévation de mes mains comme l’offrande du soir!
- Mets, ô Éternel! un frein à ma bouche, veille sur la porte de mes lèvres.
- N’incline point mon cœur vers des choses mauvaises, pour commettre méchamment des crimes, avec des hommes, ouvriers d’iniquité, et que je ne touche point à leurs mets délicats!
- Si le juste me frappe, c’est amour, et s’il me reprend, c’est une huile sur la tête que ma tête ne refuse pas. Oui, constamment je prierai contre leurs méchancetés.
- Leurs juges ont été jetés sur le tranchant des rochers, alors on a écouté mes paroles, car elles sont douces.
- Comme lorsqu’on sillonne et fend la terre, ainsi nos os sont dispersés à l’entrée des enfers.
- Oui, c’est vers toi, Éternel, Seigneur, que je lève les yeux ; en toi je me réfugie ; ne livre pas ma personne!
- Préserve-moi des pièges qu’ils me dressent, des embûches des ouvriers d’iniquité!
- Que les méchants tombent dans leurs propres filets, dans le temps même où moi je passerai.
Il est très probable, comme le pensent Kimchi, Calvin et plusieurs autres commentateurs, que David composa ce Psaume pendant qu’il fuyait devant Saül ; si l’on voulait préciser davantage, on pourrait dire que ce fut lors des événements qui nous sont rapportés dans 1 S 24, 25, 26. Ce Psaume ressemble beaucoup à ceux qui furent composés dans des circonstances analogues et que nous avons déjà expliqués ; il a les mêmes rapports typiques avec l’histoire du Messie et celle d’Israël, et nous pouvons en tirer les mêmes conséquences dans la pratique. Il se distingue seulement en ceci, c’est que le psalmiste se montre préoccupé non-seulement du désir de la délivrance, mais pour le moins autant, de celui d’être gardé par le secours de Dieu contre les tentations auxquelles l’exposait le funeste exemple de ses ennemis, et le spectacle de leur prospérité.
Il y a trois strophes ; d’abord une courte invocation (1-2), puis deux prières, l’une pour pouvoir continuer à marcher dans l’innocence (3-6), l’autre pour être délivré de ses injustes persécuteurs (7-10).
Verset 1. Ô Éternel! je t’appelle, hâte-toi vers moi! Prête l’oreille à ma voix quand je t’appelle!
« C’est vers Dieu que se tourne le psalmiste dans sa détresse, tandis que les hommes cherchent le secours de tous côtés » (Calvin).
Verset 2. Que ma prière se place devant ta face comme l’encens, l’élévation de mes mains comme l’offrande du soir!
Allusion au parfum et à l’offrande (de fine fleur de farine) qui faisaient partie du culte le matin et le soir. Comparez Ex 29.38-42 ; Lv 2.1-2. — L’élévation des mains désigne encore la prière. Comparez Ps 134.2.
Verset 3. Mets, ô Éternel! un frein à ma bouche, veille sur la porte de mes lèvres.
« Notre cœur est ce qu’il y a de plus difficile à garder, il ne peut l’être que par le Saint-Esprit. Quelquefois Dieu nous abandonne à Satan » (Calvin). Même pensée que Ps 39.2.
Verset 4. N’incline point mon cœur vers des choses mauvaises, pour commettre méchamment des crimes, avec des hommes, ouvriers d’iniquité, et que je ne touche point à leurs mets délicats!
Telle doit être la prière du fidèle entouré des mauvais exemples et des jouissances du monde.
Verset 5. Si le juste me frappe, c’est amour, et s’il me reprend, c’est une huile sur la tête que ma tête ne refuse pas. Oui, constamment je prierai contre leurs méchancetés.
Ce passage est de ceux qui ont le plus occupé les commentateurs, ce qui tient surtout à sa grande concision. Écrivant dans un état d’extrême agitation morale, le psalmiste a, en quelque manière, jeté ses pensées les unes à côté des autres, sans les exprimer complètement et sans indiquer les chaînons qui les relient entre elles. Pour donner au lecteur une idée de ces difficultés, nous commençons par traduire mot à mot : Le juste me frappera, amour, et il me reprendra, huile de tête, ma tête ne refusera pas ; car encore, et ma prière dans leurs méchancetés. La traduction que nous avons adoptée est celle qui nous paraît donner le sens le plus naturel ; c’est celle des rabbins, de la version anglaise, de Cahen, Stier, etc. Le psalmiste paraît avoir voulu dire que non-seulement il ne prenait aucune part aux criminelles jouissances des méchants, et qu’il demanderait toujours à Dieu son secours pour être gardé contre la tentation, mais qu’il regardait comme une bénédiction précieuse les répréhensions des fidèles. Mais il reste à expliquer les détails. David déclare donc que s’il se voit frappé (censuré) par quelque juste, il l’acceptera comme une preuve de charité de sa part, comme une bénédiction comparable à l’huile que les Israélites répandaient sur leur tête dans les jours de fête (Ps 23.5, 104.15). Puis viennent deux mots embarrassants ; ils signifient car encore ou quand encore ; mais ce qui est obscur, c’est leur liaison avec le contexte. Plusieurs commentateurs les expliquent ainsi : Si cette répréhension est réitérée, continuée, néanmoins je prierai de mon côté, etc. Mais cette idée ne se rattache pas d’une manière naturelle à la fin du verset ; c’est pourquoi nous croyons comme Kimchi que le psalmiste a voulu dire qu’aussi longtemps qu’il vivra, il ne cessera point de prier ; on peut très bien donner au mot hébreu (hod) qui se rend ordinairement par encore, le sens de constamment qu’il a aussi dans Ps 84.5. Enfin le dernier mot du verset peut s’appliquer soit au mal que l’on souffre, soit à celui que l’on commet. Le pronom (leurs) se rapporte très probablement, non aux justes (dont il vient d’être parlé au singulier), mais aux méchants, comme les pluriels du verset précédent. Le psalmiste a donc voulu dire qu’il ne cesserait pas de prier pour être gardé de participer à leurs mauvaises œuvres. C’est cette dernière pensée qui nous paraît convenir le mieux au contexte. Ainsi ce troisième hémistiche se rattache pour le sens aux versets 3 et 4, plutôt qu’aux deux premiers hémistiches de notre verset ; ceux-ci forment une sorte de parenthèse. C’est pourquoi nous avons cru pouvoir donner à la particule qui commence cet hémistiche la valeur d’une affirmation qu’elle a dans plusieurs passages, plutôt que de la rendre par car ou quand.
Verset 6. Leurs juges ont été jetés sur le tranchant des rochers, alors on a écouté mes paroles, car elles sont douces.
Ce verset est aussi assez obscur. Le verbe du premier hémistiche signifie, dans divers passages où il se rencontre, jeter, répandre, mettre en liberté. La plupart des commentateurs, à commencer par Kimchi, lui donnent ici la première de ces significations, et c’est bien aussi celle qui se rattache le mieux au contexte. Le psalmiste veut dire que lorsque les chefs de ses persécuteurs auront reçu le châtiment qu’ils méritent (comp. Ps 137.9), on commencera à prêter attention à ses exhortations jusqu’alors dédaignées. Abenesra entend ainsi le premier hémistiche : Leurs juges se répandront parmi les rochers (pour me poursuivre). D’autres encore, comme Horne, préférant le sens de libérer, pensent qu’il s’agit de la générosité que David montra envers Saül, en lui laissant la vie, et des paroles de paix qu’il lui adressa (1 S 24.1-16).
Verset 7. Comme lorsqu’on sillonne et fend la terre, ainsi nos os sont dispersés à l’entrée des enfers.
Ce verset et le suivant dépeignent la position très périlleuse dans laquelle David se trouvait au moment de la composition de ce Psaume, ainsi que ceux qui lui étaient demeurés fidèles (de là l’emploi du pluriel). Ils étaient constamment exposés à la mort. L’entrée des enfers, c’est le sépulcre.
Versets 8-9. Oui, c’est vers toi, Éternel, Seigneur, que je lève les yeux ; en toi je me réfugie ; ne livre pas ma personne! Préserve-moi des pièges qu’ils me dressent, des embûches des ouvriers d’iniquité!
Ne livre pas, littéralement : Ne répands pas, etc.
Verset 10. Que les méchants tombent dans leurs propres filets, dans le temps même où moi je passerai.
L’adverbe qui commence dans l’hébreu le second hémistiche signifie ensemble ; quelques traducteurs le construisent avec le premier hémistiche (que les méchants tombent dans leurs propres filets tous ensemble), mais pour cela il faut s’écarter de la ponctuation ordinaire.
Pasteur Armand de Mestral, Commentaire sur le livre des Psaumes – Tome 2, p. 348-351