Cantique des degrés. Pour David.
- Voici, oh! qu’il est bon, qu’il est doux, que des frères demeurent aussi ensemble!
- C’est comme l’huile précieuse sur la tête, qui descend sur la barbe, la barbe d’Aaron, et qui descend sur le bord de ses vêtements ;
- comme la rosée d’Hermon, qui descend sur les monts de Sion ; car c’est là que l’Éternel a établi la bénédiction, la vie à perpétuité.
Au moyen de deux images, aussi justes que gracieuses, le psalmiste représente les bénédictions attachées à l’union fraternelle, bénédictions qui sont plus abondantes encore sous la nouvelle alliance que sous l’ancienne, puisque les liens qui font de tous les disciples du Christ un peuple de frères, sont encore plus étroits que ceux qui unissaient entre eux les enfants d’Abraham. Comparez Jn 17.21 ; Ac 2.42. Le rabbin Kimchi dit aussi que ce Psaume se rapporte au temps du Messie. Mais il est destiné à être chanté surtout dans le beau jour où Israël sera retiré de sa dispersion actuelle et rassemblé dans la Terre promise et où les croyants d’entre les Gentils accourront de toutes parts à Jérusalem pour s’associer à son bonheur. En attendant ce grand événement, ces paroles du roi-prophète sont bien propres à réveiller et à entretenir les sentiments de fraternité et de concorde qui devraient exister entre les fidèles, et il est particulièrement utile de les méditer dans un temps de déchirement et de divisions religieuses comme le nôtre. « Ce Psaume, dit Stier, est destiné aux petites églises dans l’Église, en attendant qu’il soit accompli dans l’Église de l’avenir. »
Calvin et d’autres supposent que David écrivit ce Psaume à l’époque où il vit toutes les tribus enfin réunies sous son gouvernement (2 S 5). Si l’on veut faire quelque supposition à cet égard, nous préférons celle d’Hengstenberg, qui le croit composé à l’occasion de l’arrivée de l’arche sur la montagne de Sion ; en effet, l’union dont le psalmiste chante les louanges a un caractère plutôt religieux que politique. Quoi qu’il en soit, ce Psaume est très convenablement placé à la suite du précédent. L’un se rapporte au sanctuaire, l’autre aux bienfaits du culte qui devait s’y célébrer.
Verset 1. Voici, oh! qu’il est bon, qu’il est doux, que des frères demeurent aussi ensemble!
Le psalmiste connaissait par expérience les douceurs de la communion fraternelle, et il paraît avoir apprécié particulièrement celle qui s’entretient par le moyen du culte public, tandis que, de nos jours surtout, bien des personnes ne la cherchent que dans de petites coteries, dans d’obscurs conventicules et dans une sorte de camaraderie religieuse. — L’expression frères, en parlant des membres du peuple d’Israël se retrouve dans Ps 49.8, 122.8. Ils étaient frères en vertu de leur commune origine (descendants d’Abraham) et plus encore en vertu de l’alliance que Dieu avait contractée avec eux et dont ils portaient le signe (la circoncision) sur leur personne. Les fidèles de la nouvelle alliance sont frères par le baptême, par la sainte cène, par leur union personnelle avec Jésus-Christ, leur chef et leur frère aîné. — L’adverbe aussi exprime combien il est désirable que ceux qui sont frères par leur position ecclésiastique et providentielle, se conduisent les uns envers les autres comme membres d’une même famille et qu’ils vivent dans une entière concorde. C’est à tort que plusieurs versions ne le traduisent pas. — « La sainte Écriture nous enseigne aussi à cultiver l’unité ; seulement ce ne doit pas être aux dépens de la vérité. Toute union véritable doit commencer en Dieu » (Calvin).
Verset 2. C’est comme l’huile précieuse sur la tête, qui descend sur la barbe, la barbe d’Aaron, et qui descend sur le bord de ses vêtements ;
L’huile dont il s’agit est la sainte huile destinée à oindre les sacrificateurs, le tabernacle et les ustensiles ; elle était composée d’huile d’olive et de quatre autres substances odoriférantes (voyez Ex 30.23-30) ; la réunion de ces différents ingrédients était nécessaire pour lui donner son parfum et sa consistance ; c’est de même que l’Église se forme et se consolide par le concours de différentes forces, de différents dons, de différentes individualités. — Aaron est nommé comme représentant de la race sacerdotale. — L’huile sainte était répandue sur la tête du souverain sacrificateur ; voyez Ex 29.7. — La barbe longue appartenait au costume des sacrificateurs (Lv 21.5). — Il est probablement question ici du bord supérieur de la tunique qui entourait le col. — Rosenmüller, Hengstenberg et quelques autres rapportent le verbe qui commence le troisième hémistiche non à l’huile, comme le font presque toutes les versions, mais à la barbe ; cette explication est peu naturelle ; l’intention du psalmiste est évidemment de porter la pensée des lecteurs sur l’huile et non sur la barbe, qui, dans cette comparaison, n’est qu’un objet accessoire.
Verset 3. comme la rosée d’Hermon, qui descend sur les monts de Sion ; car c’est là que l’Éternel a établi la bénédiction, la vie à perpétuité.
Seconde image également juste et significative. Les effets bienfaisants de l’union des fidèles sont comparés à ceux de la rosée, qui, bien que composée d’une multitude de gouttelettes diverses, forme cependant une unité. La rosée est nommée avec une intention un peu différente dans Ps 110.3. « La rosée représente les fruits de l’union. Sans union, la vie des hommes serait maigre et stérile. La bénédiction de Dieu n’est qu’à cette condition » (Calvin). — L’Hermon, voyez l’explication de Ps 42.7. — Par monts de Sion, il faut entendre les hauteurs qui dominent Jérusalem ; comparez Ps 125.2. — Au premier abord le second hémistiche est difficile à comprendre ; on ne voit pas comment la rosée du mont Hermon peut tomber sur les montagnes de Sion qui en sont assez éloignées ; cependant, de même que, dans le verset précédent, l’huile se répand d’abord sur la tête du pontife, puis descend successivement sur sa barbe et ses vêtements, il paraît que le psalmiste se représente l’Éternel répandant la rosée d’abord sur une montagne assez élevée (l’Hermon), puis sur des montagnes moins élevées (celles de Sion). Ce ne sont pas sans doute les mêmes gouttes qui tombent dans des lieux différents, mais elles ont une origine commune. Nous avons donc cru devoir conserver la traduction littérale, qui est aussi celle des Septante, de Sacy, de Hengstenberg. Quelques rabbins, Rosenmüller, la version anglaise, lèvent la difficulté en suppléant une conjonction au commencement du second hémistiche et traduisent : comme la rosée de Hermon et comme celle qui descend sur les monts de Sion. — Rosenmüller et d’autres commentateurs rapportent l’adverbe là non au substantif qui en est le plus rapproché (le mont de Sion), mais au fait de l’union des fidèles, dont le verset 1 proclame déjà les heureux effets. La première explication est plus simple. Le psalmiste ne peut parler de la fertilité que la rosée répandait sur les collines de Sion sans que les bénédictions spirituelles bien plus excellentes encore que Dieu avait attachées à cette localité (comp. entre autres le Psaume précédent) se présentent aussitôt à sa pensée.
Pasteur Armand de Mestral, Commentaire sur le livre des Psaumes – Tome 2, p. 320-323