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Commentaire sur le Psaume 126

Cantique des degrés.

  1. Quand l’Éternel se tournera vers les captifs de Sion, nous croirons rêver!
  2. alors notre bouche sera remplie de ris, et notre langue de chants de triomphe ; alors on dira parmi les nations : « L’Éternel a fait de grandes choses pour ceux-là! »
  3. L’Éternel fera de grandes choses pour nous, nous en serons joyeux.
  1. Ô Éternel! tourne-toi vers nos captifs, comme des torrents dans le pays du midi!
  1. Ceux qui sèment avec larmes, moissonneront avec chant de triomphe ;
  2. ils marchent, marchent, en pleurant, portant la poignée de semence ; ils reviendront, ils reviendront, avec chant de triomphe, portant leurs gerbes.

 

Ce Psaume, l’un des plus beaux et des plus consolants du psautier, est un cantique d’actions de grâces pour les grandes délivrances que le psalmiste découvrait dans les lointaines perspectives de l’avenir de son peuple. Calvin, Hengstenberg et la plupart des commentateurs modernes le croient composé peu après le retour de Babylone, dans un moment où les exilés n’étaient pas encore tous revenus, et où la condition générale d’Israël était encore assez misérable ; c’est pourquoi il renferme à la fois des actions de grâces et une prière (v. 4). Mais les expressions de joie et de reconnaissance qui se trouvent dans les deux premiers versets, et surtout ce qui est dit de l’impression produite sur les autres nations, par la délivrance dont Israël est l’objet, paraît se rapporter à un événement encore plus important et plus réjouissant que la fin de la captivité de Babylone, savoir, comme le disent les rabbins, à la restauration finale des Juifs, sans exclure cependant le retour de Babylone et d’autres délivrances qui ont été une réalisation partielle des espérances que le psalmiste y exprime sous la direction de l’Esprit de prophétie qui était en lui. Les deux derniers hémistiches du v. 2, qui annoncent la participation des gentils à la joie d’Israël, indiquent qu’il s’agit essentiellement d’une délivrance encore à venir, car aucune de celles du passé, pas même le retour de Babylone, n’a excité à un pareil degré l’attention et l’admiration des nations étrangères, et ce passage s’accorde tout à fait avec d’autres passages des psaumes qui se rapportent également à la grande restauration future (voyez Ps 66.67). Ce qui nous confirme dans la pensée qu’il s’agit dans ce Psaume beaucoup plus de l’avenir que du passé, c’est que dans l’original les deux premiers verbes du v. 2 (remplir et dire) sont au futur ; ceux des versets 1 et 3 sont au passé, mais on sait que dans les écrits des prophètes le passé a très souvent le sens du futur (passé prophétique) ; l’auteur sacré est tellement certain de l’événement qu’il annonce, qu’il en parle comme d’un événement déjà accompli ; aussi Stier, l’un des meilleurs traducteurs modernes, a-t-il également introduit le futur dans ces deux versets, ce que Luther avait déjà fait avant lui ; nous avons suivi leur exemple. La plupart des versions ont à tort substitué le passé au futur dans le v. 2, ce qui empêche de saisir le véritable sens de ce remarquable Psaume.

Une première strophe annonce une délivrance qui remplira les enfants d’Abraham de surprise et de joie et qui attirera sur ce peuple, longtemps dédaigné, l’attention du monde (1-3) ; dans la seconde, composée d’un seul verset, le psalmiste demande à Dieu de hâter cet événement si désirable (4) ; la troisième énonce la vérité générale qui sert de base aux espérances exprimées dans les premiers versets, c’est que les épreuves et les travaux des fidèles auront une glorieuse issue (5-6).

Verset 1. Quand l’Éternel se tournera vers les captifs de Sion, nous croirons rêver!

Les obstacles qui semblent s’opposer au rétablissement d’Israël sont si considérables que, lorsqu’une fois cet événement s’accomplira, les fidèles pourront à peine croire à sa réalité ; ils se demanderont si ce n’est point seulement un beau rêve. Il en est de même de la délivrance, plus importante encore, qui nous est donnée en Jésus-Christ. Et, si nous y réfléchissons, la conversion d’une seule âme, le changement qui s’opère pour elle lorsqu’elle échappe aux chaînes de Satan pour jouir de la liberté glorieuse des enfants de Dieu, est une œuvre tellement merveilleuse, tellement étonnante, que l’on peut bien lui appliquer les paroles de notre verset. — Il y a dans le premier hémistiche deux mots que nous avons rendus par : se tourner vers les captifs, ainsi que nous l’avons fait dans trois autres passages, Ps 14.7, 53.7, 85.2 ; la plupart des versions le rendent par : ramener les captifs, ce qui est moins littéral, mais revient à peu près au même pour le sens. — Hengstenberg traduit : se tourner vers la conversion (vers les convertis) de Sion, ce qui donne aussi un sens très admissible, puisque Dieu ne rend pas sa faveur à Israël avant qu’Israël soit revenu à lui par une sincère repentance (comp. Dt 30.2-3) ; le mot hébreu que nous rendons par captifs (proprement captivité) peut aussi signifier conversion. Cependant, quoique sa forme diffère un peu de celle du mot qui est ordinairement employé pour exprimer l’idée de captivité, il vaut mieux lui laisser ce sens, que lui donnent toutes les versions, à commencer par les Septante. C’est aussi à quoi nous invite la comparaison de notre passage avec le v. 4 (où ce qui est annoncé dans celui-ci est reproduit sous forme de prière) et avec Ps 14.7, 53.7.

Verset 2. alors notre bouche sera remplie de ris, et notre langue de chants de triomphe ; alors on dira parmi les nations : « L’Éternel a fait de grandes choses pour ceux-là! »

Comparez Ps 98.2.

Verset 3. L’Éternel fera de grandes choses pour nous, nous en serons joyeux.

Il y a des commentateurs qui placent encore ces paroles dans la bouche des gentils, qui, selon eux, rendraient grâces pour le salut qui leur a été apporté par le moyen des Juifs. Mais il est bien plus naturel d’y voir l’expression de la re connaissance des Israélites restaurés. C’est ainsi que l’entendent les rabbins et la plupart des commentateurs chrétiens.

Verset 4. Ô Éternel! tourne-toi vers nos captifs, comme des torrents dans le pays du midi!

Le psalmiste compare l’effet produit par le retour de la faveur de Dieu, à celui des eaux qui se répandent dans les pays qui, par leur situation, sont le plus exposés à la sécheresse.

Verset 5. Ceux qui sèment avec larmes, moissonneront avec chant de triomphe ;

« La vie tout entière est un temps de semailles, pendant lequel il faut regarder à l’avenir » (Calvin). — Que de larmes sont répandues dans le travail des prédicateurs, des missionnaires, des pères et mères de famille, et dans celui que chaque fidèle doit accomplir pour sa conversion et sa sanctification! La semence demeure souvent bien longtemps cachée avant de produire quelque chose, et on peut être tenté de la croire perdue ; c’est alors le cas de se souvenir de cette parole de notre Seigneur : « Si le grain ne meurt après qu’on l’a jeté en terre, il demeure seul ; mais, quand il est mort, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12.24). Comparez aussi Jc 5.7-8. Ce sont enfin des paroles bien consolantes à méditer pour ceux qui ont le triste devoir de confier à la terre la dépouille mortelle de leurs proches et de leurs amis. On se rappelle la belle comparaison de St. Paul dans 1 Co 15.38-44.

Verset 6. ils marchent, marchent, en pleurant, portant la poignée de semence ; ils reviendront, ils reviendront, avec chant de triomphe, portant leurs gerbes.

La répétition du verbe dans le premier et le troisième hémistiche indique, selon Hengstenberg, la durée prolongée, d’abord de la tristesse, puis de la joie ; nous croyons qu’elle marque plutôt, comme à l’ordinaire, l’intensité de l’action exprimée par le verbe.

Pasteur Armand de Mestral, Commentaire sur le livre des Psaumes – Tome 2, p. 293-296

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