- Pour le Maitre-chantre ; sur l’octave ; Psaume pour David.
- Délivre, ô Éternel, car l’homme pieux a disparu, les gens sûrs ont pris fin chez les enfants des hommes.
- Ils se disent l’un à l’autre des mensonges ; c’est avec des lèvres flatteuses, avec un cœur double qu’ils parlent.
- L’Éternel veuille retrancher toutes les lèvres flatteuses, la langue qui se vante de grandes choses,
- ceux qui disent : Nous aurons le dessus par nos langues, nos lèvres sont avec nous ; qui serait Seigneur sur nous?
- A cause de l’oppression des affligés, du gémissement des pauvres, je me lèverai maintenant (dit l’Éternel) je donnerai la délivrance à celui contre lequel on souffle.
- Les paroles de l’Éternel sont des paroles pures, comme l’argent, qu’au creuset on a dégagé de terre, purifié sept fois.
- Toi-même, ô Éternel, tu les garderas tu les protégeras contre cette race pour toujours.
- Les méchants se promènent partout lorsque les plus vils sont élevés parmi les enfants des hommes.
Pour l’explication du titre voyez Ps 6.1. Il est probable que ce Psaume se rapporte comme les précédents aux persécutions que David eut à endurer de la part de Saül ; seulement dans celui-ci le psalmiste s’applique sur tout à dépeindre l’état de corruption et d’affaissement moral dans lequel le peuple d’Israël était alors plongé. C’est avec raison que les auteurs de la version arabe ont vu aussi dans ce Psaume un tableau prophétique de l’état du monde dans les derniers temps et de la seconde venue du Christ, car alors aussi l’iniquité sera multipliée (Mt 24.1-2). Mais il peut servir à la consolation des fidèles dans tous les temps où le mal se montre avec une grande puissance, notamment dans le temps actuel. « Comme ces paroles des anciens serviteurs de Dieu font du bien quand nous nous trouvons isolés au milieu d’un monde rempli d’incrédulité et d’égoïsme! » (Umbreit). Un jour que Spener s’était rendu dans l’un des temples de Francfort, très préoccupé du triste état de l’Église de son temps, il se sentit tout ranimé et fortifié en entendant chanter le verset 6 de notre Psaume qui contient la réponse de l’Éternel aux lamentations du psalmiste. « Dans les temps fâcheux comme ceux dont ce Psaume offre la peinture, nous devons suivre l’exemple de David et nous garder de hurler avec les loups, mais bien plutôt redoubler de zèle et de fidélité dans le service du Seigneur » (Calvin).
Dans la première strophe, le psalmiste demande à Dieu de garder et de délivrer les justes qui sont bien clairsemés au milieu d’une génération corrompue et perverse (2-5) ; la seconde qui se compose d’un verset unique renferme la réponse que le St-Esprit lui adresse de la part de l’Éternel (6) ; la troisième exprime sa foi aux promesses de Dieu et l’assurance qu’il a d’être exaucé.
Verset 2. Délivre, ô Éternel, car l’homme pieux a disparu, les gens sûrs ont pris fin chez les enfants des hommes.
L’homme pieux a disparu[1]. Il est des temps où les fidèles sont réduits à un si petit nombre qu’on ne peut en quelque sorte plus en découvrir un seul ; tel était celui du prophète Élie qui faisait entendre cette plainte. « Les enfants d’Israël ont abandonné ton alliance ; ils ont démoli tes autels ; ils ont tué tes prophètes avec l’épée et je suis resté moi seul » 1 R 19.10. C’est encore à une époque semblable que le prophète Michée s’écriait : « Le débonnaire a disparu de dessus la terre et il n’y a pas un juste entre les hommes » Mi 7.2. Ce sont là les temps que le fidèle considère comme des temps fâcheux, tandis que les gens du monde appellent de ce nom ceux où les récoltes sont mauvaises, les fonds publics en baisse, etc. C’est avec raison que le psalmiste signale l’absence de la piété comme la cause première de la décadence des mœurs et du manque de sécurité dans les transactions ; c’est là ce que les mondains eux-mêmes savent fort bien reconnaître ; lors même qu’ils haïssent la piété, c’est avec les hommes pieux qu’ils aiment le mieux avoir à faire quand leurs propres intérêts sont en jeu.
Verset 3. Ils se disent l’un à l’autre des mensonges ; c’est avec des lèvres flatteuses, avec un cœur double qu’ils parlent.
Chacun dit des mensonges. Dans cette peinture de la corruption qui régnait autour de lui, David s’arrête particulièrement aux péchés de la langue. De même Ps 5.7, 10, 10.7. Nous pouvons juger par là combien il en souffrait. « Les fraudes et les calomnies causent beaucoup plus de douleur que les épées et les flèches » (Calvin). Leur cœur est double quand ils parlent. La traduction littérale serait : « ils parlent avec un cœur et un cœur. » Cette locution représente très bien l’hypocrisie. « Ils parlent (dit Kimchi) comme s’ils avaient deux cœurs. » C’est avec raison que le psalmiste remonte au cœur, comme à la source des flatteries, mensonges, etc. Mt 15.19.
Versets 4-5. L’Éternel veuille retrancher toutes les lèvres flatteuses, la langue qui se vante de grandes choses, ceux qui disent : Nous aurons le dessus par nos langues, nos lèvres sont avec nous ; qui serait Seigneur sur nous?
St-Augustin paraphrase très bien le verset 5. « Ce sont d’orgueilleux hypocrites, qui mettent leur confiance dans les paroles avec lesquelles ils trompent les hommes et qui ne se soumettent pas à Dieu. » La forfanterie se rencontre dans tous les temps : elle constitue un des traits les plus saillants des publications des révolutionnaires, des voltairiens et des panthéistes. On les entend crier sur tous les tons, « nous aurons le dessus. » L’Antichrist qui doit venir nous est aussi représenté comme ayant « une bouche qui dit de grandes choses. » Dn 7.8, 11.25 (Voyez encore Dn 11.36 ; 2 Th 2.4 ; Ap 13.5-6, 15). Qui est Seigneur sur nous. Ce trait rappelle Ps 10.4 ; Luc 19.14.
Verset 6. A cause de l’oppression des affligés, du gémissement des pauvres, je me lèverai maintenant (dit l’Éternel) je donnerai la délivrance à celui contre lequel on souffle.
Ce verset forme en quelque sorte le centre du Psaume et nous donne la clef de la confiance paisible qui apparaît dans les trois derniers. Le psalmiste entend au fond de son cœur une déclaration de Dieu. « La foi qui s’est nourrie de la parole de Dieu est un oracle qui fait entendre sa voix dans les heures les plus sombres de notre vie » (Tholûck). Je donnerai la délivrance (littéralement : je mettrai dans la délivrance), réponse de l’Éternel, au mot délivre, qui commence le Psaume. Le mot hébreu (jécha) que nous traduisons ici par délivrance et qu’on peut aussi rendre par salut, a un sens très étendu et s’applique tour à tour aux délivrances temporelles et aux délivrances spirituelles L’expression : celui contre lequel on souffle, est expliquée par Ps 10.5. Elle marque l’arrogance des ennemis du fidèle[2].
Verset 7. Les paroles de l’Éternel sont des paroles pures, comme l’argent, qu’au creuset on a dégagé de terre, purifié sept fois.
Le psalmiste fortifié par la réponse qu’il vient de recevoir, déclare sa ferme conviction que les paroles de l’Éternel (il s’agit ici spécialement des promesses) sont parfaitement dignes de foi, sans aucun mélange d’erreur. Cette conviction est plus rare qu’on ne pourrait le croire. « L’homme est très porté au doute et à la défiance, surtout quand il se trouve engagé dans un combat sérieux avec l’adversité. Dès que Dieu nous fait un peu attendre son secours, nous murmurons comme s’il nous avait trompés. C’est souvent dans notre propre cerveau que nous fabriquons les scories qui nous voilent l’éclat de la parole de Dieu » (Calvin). On pourrait aussi traduire : comme de l’argent purifié dans le creuset à terre. — Purifié sept fois. C’est par l’expérience, surtout dans les afflictions, que nous apprenons à connaître la valeur des promesses de Dieu.
Verset 8. Toi-même, ô Éternel, tu les garderas tu les protégeras contre cette race pour toujours.
Tu les garderas, c’est à dire, les fidèles, ceux qui se confient en Toi. C’est une parole d’encouragement ; elle nous garantit que Dieu viendra à notre secours aussi longtemps et aussi souvent que nous en aurons besoin.
Verset 9. Les méchants se promènent partout lorsque les plus vils sont élevés parmi les enfants des hommes.
Le fait ici énoncé est confirmé par l’expérience de tous les temps. Il y a pleine liberté et impunité pour les méchants (ils se promènent partout, comme le Diable dont ils sont les enfants. Job 1.7 ; 1 P 5.8) lorsque des hommes impies et méprisables sont élevés en dignité. C’est ce que l’on a vu dans les révolutions qui se succèdent depuis plus d’un demi-siècle. « Quand le méchant domine, le peuple gémit. Quand les méchants sont avancés, les iniquités se multiplient. » Pr 29.2, 16. Dans son langage énergique, la version de Genève de 1712 a très bien rendu cette idée : « Pendant que la racaille est élevée parmi les fils des hommes. »
Pasteur Armand de Mestral, Commentaire sur le livre des Psaumes, p. 121-125
[1] Le mot que nous rendons ici par homme pieux est celui que nous rendons ordinairement par adorateur. Voyez Ps 4.4.
[2] On peut moins facilement justifier la traduction donnée par Hengstenberg et Perret-Gentil : « Je donnerai la délivrance à celui qui soupire après elle. »