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Commentaire sur le Psaume 116

  1. J’aime, car l’Éternel a entendu ma voix et mes supplications.
  2. Il a incliné son oreille vers moi, aussi je veux l’invoquer durant mes jours.
  1. Les douleurs de la mort m’enserraient, les angoisses des Enfers m’avaient atteint, je ne trouvais que détresse et affliction.
  2. Alors j’invoquai le nom de l’Éternel : « Ah! Éternel, délivre mon âme! »
  3. L’Éternel est clément et juste, notre Dieu plein de miséricorde.
  4. L’Éternel garde les simples ; j’étais exténué, mais il m’a sauvé.
  5. Retourne en ton repos, ô mon âme! car l’Éternel t’a fait du bien.
  6. Oui, tu as délivré mon âme de la mort, mes yeux de pleurs et mes pieds de chute :
  7. je marcherai devant l’Éternel sur les terres des vivants.
  8. J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé. J’ai été extrêmement affligé ;
  9. je disais dans mon trouble : « Tout homme trompe. »
  10. Comment rendrai-je à l’Éternel tous ses bienfaits envers moi?
  1. Je veux élever la coupe des délivrances et invoquer le nom de l’Éternel!
  2. Puissé-je m’acquitter de mes vœux envers l’Éternel, en présence de tout sou peuple!
  3. Elle coûte à l’Éternel la mort de ses adorateurs.
  4. Ah! Éternel, parce que je suis ton serviteur, le fils de ta servante, tu as délié mes liens.
  1. Je veux t’offrir un sacrifice de reconnaissance, et invoquer le nom de l’Éternel!
  2. Puissé-je m’acquitter de mes vœux envers l’Éternel, en présence de tout son peuple,
  3. dans les parvis de la maison de l’Éternel, au milieu de toi, ô Jérusalem! Alléluia!

Admirable cantique d’actions de grâces, bien digne d’occuper une place dans le grand alléluia des fêtes de l’ancienne alliance! Composé par David peut-être après quelque délivrance importante qui lui fut accordée dans sa fuite devant Saül ou devant Absalom, il paraît l’avoir été, en tout cas, assez peu de temps après l’événement qui y avait donné lieu et dans un moment où l’âme du psalmiste était encore sous l’empire d’une émotion profonde et dans un état d’ébranlement qui se trahit par des phrases entrecoupées et des pensées inachevées, ce qui en rend l’explication assez difficile. Cependant ce psaume se comprend par le cœur, surtout lorsqu’on connaît par expérience l’affliction et l’angoisse, lorsque, par exemple, on s’est vu conduit aux portes de la mort par la maladie, ou que l’on a été menacé de quelque perte douloureuse. Combien, lorsque les sombres nuages qui couvraient notre horizon commencent à se dissiper, on se sent poussé à s’écrier avec le roi-prophète : J’aime, car l’Éternel a écouté ma voix et mes supplications! Représentons-nous enfin ce que ce cantique dut être pour notre Seigneur, qui le chanta avec ses disciples au moment où les douleurs de la mort et les angoisses des enfers allaient saisir son âme sainte et innocente (Mt 26.30).

Selon Hengstenberg et quelques autres auteurs modernes, ce Psaume n’aurait été composé qu’après le retour de Babylone et au sujet de cette délivrance nationale, mais il s’applique beaucoup plus naturellement aux malheurs d’un individu qu’à ceux d’une nation ; enfin plusieurs traits rappellent d’une manière frappante des Psaumes composés par David en vue de ses propres besoins, ainsi comp. v. 1 avec Ps 18.2, vv. 3-4 avec Ps 18.5-7, v. 7 avec Ps 42.6, vv. 8-9 avec Ps 56.14.

La première strophe, très courte, résume la pensée du Psaume (1-2) ; la seconde raconte la détresse et la délivrance (3-13) ; les deux dernières, qui commencent par deux versets presque identiques, expriment la reconnaissance (14-16 et 17-19). Les Septante, après avoir ajouté le Ps 115 au précédent, partagent notre Psaume en deux, commençant un nouveau Psaume au verset 10. Cette déviation du texte hébreu n’est pas plus motivée dans un cas que dans l’autre.

Versets 1-2. J’aime, car l’Éternel a entendu ma voix et mes supplications. Il a incliné son oreille vers moi, aussi je veux l’invoquer durant mes jours.

Le premier verbe de ce verset se trouve sans régime. Mais il faut sans cloute, comme l’explique Kimchi, sous-entendre l’Éternel ; c’est ce dont on peut se convaincre en comparant ce passage avec Ps 18.2. « Le psalmiste ne juge pas nécessaire de nommer l’objet de son amour » (Calvin). Peut-être aussi s’est-il abstenu de le nommer, afin de laisser à sa pensée toute sa généralité et de donner à entendre qu’un cœur dilaté par la reconnaissance aime à la fois son bienfaiteur suprême et tous ceux qu’il doit aimer. Comparez Mt 22.37-39. Abenesra et Jarchi traduisent : J’aime que Dieu écoute, etc., et, parmi les modernes, Vivien et Perret-Gentil donnent à peu près la même idée : Je suis heureux, car l’Éternel écoute, etc. ; mais il faut alors donner au verbe hébreu un sens qu’il a plus rarement, et l’idée principale du Psaume (la reconnaissance) ressort moins bien.

Verset 3. Les douleurs de la mort m’enserraient, les angoisses des Enfers m’avaient atteint, je ne trouvais que détresse et affliction.

Comp. Ps 18.5. — Les enfers, voyez Ps 6.6.

Verset 4. Alors j’invoquai le nom de l’Éternel : « Ah! Éternel, délivre mon âme! »

Devant le second hémistiche, on peut sous-entendre disant. — Nous rendons par ah! une interjection hébraïque (annah) qui exprime divers mouvements de l’âme, dont le caractère est déterminé par le contexte ; ici c’est le sentiment du besoin, le désir d’être exaucé ; au verset 16, c’est la reconnaissance, l’amour.

Verset 5. L’Éternel est clément et juste, notre Dieu plein de miséricorde.

Ces paroles donnent à entendre que la prière de l’affligé a été exaucée. Comp. Ps 86.15.

Verset 6. L’Éternel garde les simples ; j’étais exténué, mais il m’a sauvé.

Simples, expliqué à l’occasion de Ps 19.8. « Les simples sont destitués de sagesse propre, mais Dieu est sage pour eux, et il oppose à leurs périls la protection secrète de sa providence » (Calvin).

Verset 7. Retourne en ton repos, ô mon âme! car l’Éternel t’a fait du bien.

L’expression retourne en ton repos est ainsi expliquée par les rabbins : Sors de ton angoisse et tourne-toi vers Dieu, qui est ton repos. Cette pensée est juste, car c’est auprès de Dieu seul que l’âme trouve la vraie paix ; mais il est plus simple de supposer que le psalmiste entend par repos, non l’Auteur de la paix, mais la paix elle-même, ou, comme le dit très bien Calvin, « un état d’âme tranquille et bien réglé. » David s’adresse à lui-même des exhortations semblables dans Ps.42.6,12 et 43.5. — Ce verset servit à fortifier le pieux évêque d’Antioche, Babylas, tandis qu’il marchait au martyre pendant la persécution de Dèce.

Verset 8. Oui, tu as délivré mon âme de la mort, mes yeux de pleurs et mes pieds de chute :

Reproduction presque littérale du Ps 56.14.

Verset 9. je marcherai devant l’Éternel sur les terres des vivants.

Les Septante et la Vulgate donnent à l’expression : marcher devant l’Éternel le sens de : plaire à l’Éternel ; comparez Hé 11.5 ; alors le psalmiste annoncerait comment il veut témoigner sa reconnaissance. Mais le contexte et la comparaison de notre verset avec Ps 27.18, 56.14 donne lieu de penser qu’il est simplement question d’une prolongation de vie. « Marcher devant l’Éternel, c’est vivre sous ses soins, sous sa protection » (Calvin). — Terre des vivants, expliqué à l’occasion de Ps 27.13.

Verset 10. J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé. J’ai été extrêmement affligé ;

Le psalmiste termine ce tableau de sa détresse et de sa délivrance par un retour sur les dispositions dans lesquelles il s’était trouvé pendant cette époque de sa vie. Sa confiance en Dieu et en ses promesses n’avait point été ébranlée, ce qu’il exprime en disant : J’ai cru ; il se dispense de nommer l’objet de sa foi, de même qu’au v. 1 il n’avait pas indiqué l’objet de son affection, parce qu’il ne pouvait pas y avoir de doute à cet égard. Puis il donne une preuve de cette confiance en ajoutant : j’ai parlé. Ce qu’ont été ces paroles, expression et témoignage de sa foi, il ne le dit pas non plus ; mais on peut le supposer en relisant sa prière au v. 4 et les versets suivants. Notre traduction dans ce premier hémistiche est celle des Septante, adoptée également par St-Paul quand il cite ce passage dans 2 Co 4.13. Il est vrai que la particule hébraïque (ki) rendue par : c’est pourquoi, signifie plus souvent car ; il serait donc possible que le psalmiste ait voulu présenter ses paroles plutôt comme une preuve que comme une conséquence de sa foi ; mais, en tout cas, ces deux idées sont fort rapprochées ; la foi pousse à la confession de la bouche, et la confession démontre la présence de la foi dans le cœur, en sorte que les Septante ont rendu sinon la lettre, au moins l’esprit de cette déclaration du psalmiste ; aussi l’apôtre a pu faire usage de leur traduction dans ce beau passage où il rapporte des expériences semblables à celles du roi-prophète. Il faut remarquer d’ailleurs que la particule hébraïque dont il s’agit indique d’une manière générale qu’il existe une relation entre des choses ou des idées[1] ; mais ces relations sont très diverses, en sorte qu’il se peut très bien que le psalmiste ait voulu dans ce passage lui donner le sens (c’est pourquoi) que nous avons préféré, ce que font aussi la plupart des versions. Perret-Gentil a suivi la lettre, il traduit : « J’ai cru, car j’ai parlé. » Nous mentionnons encore, comme pouvant se justifier, la traduction d’un commentateur allemand, Vaihinger : « J’avais encore de la foi lorsque j’ai dit : je suis extrêmement affligé. » Cette explication irait assez bien dans le contexte, mais elle s’écarte trop de la pensée du psalmiste telle qu’elle est reproduite par l’épître aux Corinthiens. Selon nous, le second hémistiche ne doit point être considéré comme le contenu des paroles dont il est question dans le premier, mais plutôt comme un trait qui se rattache à la peinture de la détresse dans le v. 3. — « La foi et sa profession sont deux choses qui ne doivent point se séparer » (Calvin).

Verset 11. je disais dans mon trouble : « Tout homme trompe. »

Ce verset exprime la même idée que le précédent, savoir, que dans sa profonde affliction et malgré la perturbation que ses circonstances jettent dans son âme, le psalmiste n’a point cessé de croire et d’espérer en Dieu ; en effet, à la conviction que les hommes sont des appuis trompeurs (comp. Ps 62.10) s’associait celle que celui qui se repose sur Dieu n’est point désappointé. — Le mot rendu par trouble est le même que dans Ps 31.23. « C’est un état de confusion, de doute, de ténèbres, dans lequel on ne sait plus que craindre et qu’espérer ; il n’est point inconnu aux fidèles, car fréquemment Satan les y jette » (Calvin).

Verset 12. Comment rendrai-je à l’Éternel tous ses bienfaits envers moi?

Ce verset contient la pensée qui est développée dans les deux strophes suivantes. Le psalmiste commence à se préoccuper des moyens de témoigner à l’Éternel sa juste reconnaissance. — Nous avons suivi l’immense majorité des versions qui lient le second hémistiche au premier. Cependant on pourrait aussi l’en détacher, comme le fait Vivien et traduire : « Que rendrai-je à l’Éternel? Tous ses bienfaits sont sur moi! » — Le second hémistiche porte littéralement : Tous ses bienfaits SUR moi. Cette expression remarquable est bien expliquée par Calvin : « Les bienfaits de Dieu nous écrasent et nous ne devons pas les prendre légèrement. Chacun de nous a un poids de ce genre à porter. »

Verset 13. Je veux élever la coupe des délivrances et invoquer le nom de l’Éternel!

Ce verset fait allusion à l’usage qui paraît avoir existé déjà du temps du psalmiste de célébrer des repas d’actions de grâces, dans lesquels le père de famille élevait en bénissant Dieu, une coupe remplie de vin, cérémonie à laquelle Jésus rattacha l’institution de la Cène (Mt 26.27-28) et qui se pratique encore de nos jours dans les fêtes juives[2]. Cette coupe était appelée coupe des délivrances, parce qu’elle était employée à rendre grâces. St-Paul la nomme « coupe de bénédiction » 1 Co 10.16, et c’est bien pour le chrétien surtout qu’elle est la coupe des délivrances, puisqu’elle renferme le sang de Christ répandu pour la rémission de ses péchés!

Verset 14. Puissé-je m’acquitter de mes vœux envers l’Éternel, en présence de tout sou peuple!

Nous avons essayé de rendre (par puissé-je) la valeur d’une particule hébraïque (na) qui exprime l’idée de désir, de supplication. — « Si le psalmiste faisait des vœux, ce n’était pas pour mériter quelque chose, mais afin de fortifier sa foi et de s’exciter à la louange » (Calvin).

Verset 15. Elle coûte à l’Éternel la mort de ses adorateurs.

Dans ce verset et le suivant, David rappelle qu’il devait sa délivrance à la relation étroite dans laquelle il se trouvait avec Dieu. Il énonce la même vérité que dans le second hémistiche de Ps 72.14. Le mot que nous rendons par coûteux signifie proprement précieux, de grand prix ; mais si l’on traduisait comme quelques versions : Précieuse est aux yeux de l’Éternel, etc., on pourrait faire croire que le psalmiste a voulu dire que l’Éternel prend plaisir à la mort des fidèles, tandis qu’au contraire il veut donner à entendre que c’est une chose qu’il permet très difficilement. Sur la manière dont la mort et la vie à venir étaient considérées au point de vue de l’ancienne alliance, voyez vol. I, p. 38,39. « Quand les fidèles sont exposés à la mort, on pourrait croire que Dieu fait peu de cas d’eux » (Calvin).

Verset 16. Ah! Éternel, parce que je suis ton serviteur, le fils de ta servante, tu as délié mes liens.

« En disant : « Je suis ton serviteur » le psalmiste remonte à l’élection. En effet, ce n’est pas de nous qu’il a dépendu que nous devinssions des serviteurs de Dieu » (Cal vin). — Liens représente des afflictions.

Versets 17-19. Je veux t’offrir un sacrifice de reconnaissance, et invoquer le nom de l’Eternel! Puissé-je m’acquitter de mes vœux envers l’Éternel, en présence de tout son peuple, dans les parvis de la maison de l’Éternel, au milieu de toi, ô Jérusalem! Alléluia!

Comparez Ps 50.14,22.

Pasteur Armand de Mestral, Commentaire sur le livre des Psaumes – Tome 2, p. 231-237


[1] Elle peut se rendre selon les différents cas par : que, lorsque, parce que, car, mais.

[2] Voyez les notes qui accompagnent la version de l’Ancien Testament par Cahen.

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