- Prière pour l’affligé lorsque, assombri, il répand sa plainte devant l’Éternel.
- Ô Éternel! écoute ma prière, et que mon cri vienne jusqu’à toi!
- Ne détourne point ta face de moi ; au jour de ma détresse incline vers moi ton oreille, au jour où je t’invoque réponds-moi promptement!
- Car mes jours s’évanouissent comme la fumée, mes os brûlent comme un tison ;
- mon cœur est frappé et desséché comme l’herbe, car j’ai oublié de manger mon pain ;
- à force de gémir, mes os s’attachent à ma chair.
- Je ressemble au pélican du désert, je suis devenu comme le hibou des ruines ;
- j’ai perdu le sommeil, je suis comme l’oiseau solitaire sur un toit.
- Tout le jour mes ennemis m’outragent, furieux ils me nomment pour maudire.
- Car je mange la cendre comme pain, et je trempe mon breuvage de mes pleurs,
- à cause de ton indignation et de ta colère ; car tu m’avais soulevé, puis tu m’as précipité.
- Mes jours sont comme l’ombre qui décline, et je me dessèche comme l’herbe.
- Toi, cependant, ô Éternel! tu sièges éternellement, et on se souvient de toi de génération en génération.
- Toi, tu te lèveras ; tu prendras pitié de Sion, car il est temps de lui faire grâce, l’époque est arrivée ;
- car tes serviteurs sont affectionnés à ses pierres, et s’attristent à la vue de ses décombres.
- Alors les nations craindront le nom de l’Éternel, et tous les rois de la terre ta gloire ;
- car l’Éternel a rebâti Sion, et s’est montré dans sa gloire.
- Il s’est tourné vers la prière des dépouillés, il n’a pas dédaigné leur prière.
- Ceci sera écrit pour la génération future, et le peuple qui sera créé louera l’Éternel.
- Car il a regardé du haut de son sanctuaire ; des cieux l’Éternel a considéré la terre,
- afin d’entendre le gémissement du prisonnier, de libérer les enfants de la mort,
- en sorte que le nom de l’Éternel soit célébré en Sion, et sa louange dans Jérusalem,
- lorsque les peuples se réuniront ensemble, et les royaumes, pour servir l’Éternel.
- Il a brisé sa force dans la route, abrégé mes jours.
- Je dis : Mon Dieu! ne m’enlève pas à la moitié de mes jours! Tes années durent de génération en génération.
- Jadis tu as fondé la terre, et les cieux sont l’ouvrage de tes mains ;
- eux, ils périront, mais toi, tu subsistes ; ils vieilliront tous comme un vêtement ; tu les changeras comme un habit, et ils seront changés :
- Mais toi, tu es le même, et tes années ne finiront point.
- Les enfants de tes serviteurs auront une demeure, et leur postérité sera affermie en ta présence.
Ce psaume est bien, comme son titre l’indique, une prière à l’usage des affligés. Il y eut dans la vie de David plus d’une circonstance qui put lui donner l’occasion de le composer ; mais, tandis qu’il s’en occupait, l’Esprit prophétique qui était en lui le transportait bien au-delà de son temps et de ses propres malheurs, et lui montrait son peuple dispersé et Jérusalem en ruines. Les rabbins disent que l’affligé, dans ce psaume, c’est Israël dans son état actuel ; les Pères y voient l’Église implorant les secours de son divin Chef. Nous pensons qu’il faut y voir, en premier lieu, une prière à l’usage des enfants d’Abraham dans les diverses afflictions qu’ils ont été ou seront encore appelés à traverser, mais une prière que nous pouvons aussi approprier à nos circonstances. Dans la version syriaque, ce Psaume est intitulé : Douleurs des Juifs et prophétie sur le peuple nouveau.
Il est à remarquer encore que l’auteur de l’épître aux Hébreux fait usage de ce Psaume aussi bien que du Ps 97 (voir notre explication de ce Psaume) pour établir la divinité de Jésus-Christ. En effet, il cite (Hé 1.10-12) comme se rapportant à notre Seigneur, des paroles de notre Psaume (vv. 26-28), qui évidemment, suivant les règles d’une interprétation saine et naturelle, ne peuvent pas être considérées comme s’adressant à un autre qu’à Celui qui, au verset 1 et dans le cours du Psaume, est appelé l’ÉTERNEL. Dans sa profonde affliction, le psalmiste s’adresse à son Dieu, mais le secours qu’il attend se présente à lui comme attaché à la personne du grand Libérateur, déjà promis à nos premiers parents dans le paradis, et c’est ce qui a généralement lieu dans les passages prophétiques qui concernent (comme les vv. 14-18) la délivrance d’Israël.
Il y a trois strophes assez distinctement marquées. La complainte (2-12) ; l’espoir de la délivrance (13-23) ; une troisième strophe qui résume les deux premières (24-29).
Versets 1-2. Prière pour l’affligé lorsque, assombri, il répand sa plainte devant l’Éternel. Ô Éternel! écoute ma prière, et que mon cri vienne jusqu’à toi!
L’expression assombri a été expliquée à l’occasion de Ps 63.1. — Répandre sa plainte devant l’Éternel. Belle dé finition de la prière! — « Sachons que la porte est si peu fermée à nos prières lorsque, accablés par la douleur, nous fuyons la lumière et la vue des hommes, que c’est alors le temps le plus favorable » (Calvin).
Verset 3. Ne détourne point ta face de moi ; au jour de ma détresse incline vers moi ton oreille, au jour où je t’invoque réponds-moi promptement!
Sur cacher la face, voyez Ps 4.7.
Verset 4. Car mes jours s’évanouissent comme la fumée, mes os brûlent comme un tison ;
Hengstenberg et d’autres traduisent, dans la fumée, comme Ps 37.20 ; mais ici le parallélisme favorise plutôt notre traduction, qui est aussi celle des anciennes versions. — Dans l’Écriture, les effets de l’affliction sont souvent comparés à ceux du feu. Comp. 1 Pi 1.7, etc. Calvin fait remarquer que ces comparaisons font bien ressortir la sollicitude de l’affligé pour l’Église ; cette remarque est fondée, seulement il ne faudrait pas restreindre l’application de cette prière aux douleurs que nous avons à porter comme membres du peuple de Dieu.
Versets 5-6. mon cœur est frappé et desséché comme l’herbe, car j’ai oublié de manger mon pain ; à force de gémir, mes os s’attachent à ma chair.
Le second hémistiche indique la cause du premier. Les douleurs profondes enlèvent l’appétit. Comp. 1 S 7.8, 20.34. — Sur le premier hémistiche, comp. Ps 22.15-16.
Versets 7-8. Je ressemble au pélican du désert, je suis devenu comme le hibou des ruines ; j’ai perdu le sommeil, je suis comme l’oiseau solitaire sur un toit.
Ce verset et le suivant peignent par des images l’isolement de l’affligé.
Verset 9. Tout le jour mes ennemis m’outragent, furieux ils me nomment pour maudire.
Littéralement : « Enragés contre moi, ils jurent par moi. » Sens : Dans leur rage, ils souhaitent mon sort à leurs ennemis. Comp. Jr 29.22 ; Ps 44.15.
Verset 10. Car je mange la cendre comme pain, et je trempe mon breuvage de mes pleurs,
Le premier hémistiche s’explique par l’usage de se couvrir la tête de cendres comme signe de grande affliction et d’humiliation ; comp. 2 S 13.19 ; le second rappelle Ps 42.4.
Verset 11. à cause de ton indignation et de ta colère ; car tu m’avais soulevé, puis tu m’as précipité.
Le premier hémistiche nous rappelle qu’il faut toujours remonter à nos péchés comme à la cause première de nos maux. « Rien n’est cruel comme le souvenir de grands privilèges perdus » (Calvin). — Le premier verset du second hémistiche est fort expressif ; il donne l’idée de l’action d’un vent véhément. Comp. Lm 2.1.
Verset 12. Mes jours sont comme l’ombre qui décline, et je me dessèche comme l’herbe.
La vie à cause de sa fragilité, est comparée à l’ombre qui vers le soir change rapidement d’aspect, et à l’herbe qui bientôt se flétrit ; comp. Ps 90.5-6.
Verset 13. Toi, cependant, ô Éternel ! tu sièges éternellement, et on se souvient de toi de génération en génération.
Avec ce verset, les pensées de l’affligé prennent une nouvelle direction ; il commence à se sentir consolé. Kimchi a ainsi paraphrasé : « Je suis mourant, mais toi, tu demeures, et on verra la délivrance. » — Le premier hémistiche rappelle Ps 9.8. « La doctrine de l’éternité de Dieu est consolante, parce qu’elle est une garantie de l’exécution des promesses qui forment le lien entre lui et son peuple » (Calvin). — Au second hémistiche, il y a littéralement : « Le souvenir de toi est de génération en génération. » Sens : Les perfections divines se déploient de manière à le faire connaître et adorer d’âge en âge.
Verset 14. Toi, tu te lèveras ; tu prendras pitié de Sion, car il est temps de lui faire grâce, l’époque est arrivée ;
L’époque dont il est question, c’est (d’après v. 45) celle où la détresse est à son comble, car alors le moment de la délivrance est aussi venu ; Dieu ne peut pas laisser entièrement succomber les siens ; il ne peut pas se renier lui-même et ne pas accomplir ses promesses. — Puissions-nous avoir une foi également ferme aux promesses de Dieu, surtout à celles qui concernent l’indestructibilité de l’Église!
Verset 15. car tes serviteurs sont affectionnés à ses pierres, et s’attristent à la vue de ses décombres.
« Plus l’Église est abaissée et affligée et plus nous devons l’aimer » (Calvin).
Le meilleur commentaire de ce verset se trouve dans ces lignes d’un voyageur qui a récemment visité Jérusalem : « À trois heures, je vais au mur des lamentations ; c’est le jour (Vendredi saint) où les Juifs s’y rendent en grand nombre pour y pleurer. L’endroit où les Juifs vont, depuis tant de siècles, pleurer la ruine de leur temple, est une rue de quelques pas de large, ayant d’un côté les misérables cabanes du quartier Maugrabin ; de l’autre, un des murs de Haram, mur très élevé et composé de pierres énormes. Des Juifs en grand nombre, hommes, femmes, enfants, les uns en habit de fête, les autres en guenilles, sont là à prier et à pleurer ; les uns sont assis et psalmodient d’un ton plaintif les Lamentations de Jérémie, avec ce branlement de tête cadencé habituel aux Juifs lorsqu’ils lisent ; d’autres se tiennent debout, le visage collé au mur du temple, dont ils baisent les pierres ou qu’ils arrosent de leurs larmes. On ne peut s’empêcher de pleurer avec ce peuple, aujourd’hui déchu, qui, d’Abraham jusqu’à Jésus, a été le pontife de l’humanité. On prie avec eux et l’on s’écrie : Ô Dieu! fais grâce à Sion. Il est temps d’en avoir pitié, parce que le temps assigné est échu ; car tes serviteurs sont affectionnés à ses pierres et ont pitié de sa poudre. » (Voyage en Terre-Sainte, par F. Bovet. p. 229-230.)
Verset 16. Alors les nations craindront le nom de l’Éternel, et tous les rois de la terre ta gloire ;
« Les fidèles en Israël ne désiraient pas seulement la délivrance pour eux-mêmes, mais l’établissement du royaume de Dieu » (Horne). C’est pourquoi le psalmiste parle de l’impression produite sur les Gentils par la délivrance de Sion.
Verset 17. car l’Éternel a rebâti Sion, et s’est montré dans sa gloire.
Cet oracle ne s’est accompli que dans une faible mesure lors du retour de Babylone, prélude d’une délivrance bien plus considérable, qui aura lieu dans l’avenir. Comp. Ps 66, 67, 68, 72. Comp. Ps 51.20.
Verset 18. Il s’est tourné vers la prière des dépouillés, il n’a pas dédaigné leur prière.
Le mot hébreu que nous rendons par dépouillés, peut aussi avoir le sens d’isolement, abandon, exprimé par d’autres versions.
Verset 19. Ceci sera écrit pour la génération future, et le peuple qui sera créé louera l’Éternel.
Même pensée que dans Ps 22.31-32. — L’expression créer doit être ici entendue à la fois de la naissance selon la chair et de la naissance selon l’Esprit. Comp. Ps 87.4 ; Ep 2.10. — « Dieu peut en tout temps opérer ainsi de nouvelles créations dans son Église » (Calvin).
Verset 20. Car il a regardé du haut de son sanctuaire ; des cieux l’Éternel a considéré la terre,
Littéralement : De la hauteur de sa sainteté (c’est-à-dire du ciel). Comp. Ps 14.2.
Verset 21. afin d’entendre le gémissement du prisonnier, de libérer les enfants de la mort,
Condamnés à mort. En hébreu, l’expression est la même que dans Ps 79.11.
Versets 22-23. en sorte que le nom de l’Éternel soit célébré en Sion, et sa louange dans Jérusalem, lorsque les peuples se réuniront ensemble, et les royaumes, pour servir l’Éternel.
« Cet oracle s’accomplit par le règne de Christ » (Calvin).
Verset 24. II a brisé sa force dans la route, abrégé mes jours.
L’affligé, momentanément consolé, reprend sa plainte ; il craint d’être enlevé de la terre avant de voir la délivrance (fin de l’exil, venue du Rédempteur, etc.). Nous savons par l’Écriture que les temps qui précéderont immédiatement le second avènement seront particulièrement difficiles pour l’Église et exigeront de la part des fidèles beaucoup de patience et beaucoup de foi. Ap 13.10. — Le premier pronom se rapporte à Dieu, le second à son peuple. — Nous avons suivi (avec Hengstenberg), pour le premier hémistiche, la traduction : sa force, qui est la plus exacte d’après le texte hébreu, et qui se trouve dans les Septante. La plupart des versions portent : ma force, traduction qui s’explique plus facilement et qui semble indiquée par le parallélisme ; cependant on peut très bien concevoir que le psalmiste, avant de parler de lui-même (dans le second hémistiche), ait d’abord porté sa pensée sur le peuple auquel il appartenait.
Verset 25. Je dis : Mon Dieu! ne m’enlève pas à la moitié de mes jours! Tes années durent de génération en génération.
Dans le premier hémistiche, le psalmiste développe la pensée du verset précédent et demande à Dieu de ne pas lui faire partager le sort des impies ; comp. Ps 55.8. Ne me fais pas mourir, mais conduis-moi jusqu’au siècle futur (version chaldéenne). Dans le second, il ouvre de nouveau son cœur à l’espérance, comme dans la seconde strophe, et ce qui le rassure, c’est encore la pensée de l’immutabilité de Dieu (comp. v. 13).
Verset 26. Jadis tu as fondé la terre, et les cieux sont l’ouvrage de tes mains ;
Abenesra a bien rendu le sens : Dieu est le premier, aussi bien qu’immuable, car il a créé toutes choses. Comp. Jn 1.1-3 ; Col 1.16. — Jadis signifie : « dans l’état de gloire, avant l’incarnation, au commencement » (Stier).
Verset 27. eux, ils périront, mais toi, tu subsistes ; ils vieilliront tous comme un vêtement ; tu les changeras comme un habit, et ils seront changés :
Le changement dont il est ici question sera à la fois une dissolution et une restauration. Mt 24.35 ; 2 Pi 3.12-13 ; Ap 21.1.
Verset 28. Mais toi, tu es le même, et tes années ne finiront point.
« L’Église participe à l’immutabilité de son divin Chef auquel elle est unie ; elle est placée en dehors des révolutions, elle possède en elle-même une semence incorruptible » (Calvin). Comp. Ps 90.1-2.
Verset 29. Les enfants de tes serviteurs auront une demeure, et leur postérité sera affermie en ta présence.
« Quel que puisse être le sort d’une génération particulière, il y aura toujours une Église » (Horne). — Auront une demeure, au lieu d’être isolés, abandonnés, sans patrie. On peut sous-entendre : en Canaan. Comp. Ps 37.27.
Pasteur Armand de Mestral, Commentaire sur le livre des Psaumes – Tome 2, p. 161-167
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