Il existe deux conceptions de la succession apostolique : la conception forte de l’Église catholique romaine et la notion faible dans les milieux protestants charismatiques. Je crois que ces deux conceptions comportent à la fois des erreurs et des exactitudes. La conception forte considère qu’un apôtre a autorité sur l’Église universelle et peut parler au nom de Dieu à toute l’Église. Cette autorité aurait été transmise aux évêques comme successeurs des apôtres et éventuellement à un évêque en particulier : celui de Rome. La conception faible considère qu’un apôtre est simplement quelqu’un que le Seigneur envoie avec les dons du Saint-Esprit pour diriger une Église en particulier. Un apôtre serait en quelque sorte un missionnaire ou un implanteur d’Église. Ces deux conceptions m’apparaissent justes et erronées en différents aspects.
L’exactitude et l’erreur de la notion forte
La conception forte de l’apostolat est juste : les apôtres sont effectivement des officiers qui ont juridiction sur l’Église universelle. Les apôtres ont reçu le pouvoir des clés du royaume pour lier et délier au nom du Seigneur sur la terre: Mt 16.19 et servent de fondement à l’Église du Christ (Mt 16.18 ; Ep 2.20). L’entrée dans le royaume passe donc par l’enseignement apostolique; les hommes sont sauvés ou perdus selon qu’ils reçoivent ou rejettent l’enseignement des apôtres (Jn 20.22-23). Remarquez que les apôtres reçurent une onction unique du Saint-Esprit pour pouvoir accomplir une telle mission. Les apôtres avaient donc le pouvoir de parler, de commander et d’agir au nom de celui qui les envoya : nommément le Seigneur. Un apôtre, dans le monde gréco-romain, était un envoyé plénipotentiaire, c’est-à-dire un mandataire qui la pleine autorité de celui qui l’envoie. C’est ainsi que les apôtres comprenaient leur propre autorité (Phm 1.8 ; 1 Co 7.10, 12 ; 1 Co 14.37 ; 2 P 3.16).
Cependant, la notion qu’il y aurait une succession de l’office apostolique n’est pas biblique. De plus, aucun homme ne rencontre aujourd’hui les exigences pour être apôtre (Ac 1.21-22 ; 1 Co 9.1). Cela ne signifie pas qu’il n’y a plus d’autorité apostolique, bien au contraire. L’autorité apostolique est consignée dans les Écrits apostoliques, c’est-à-dire les Écritures du Nouveau Testament. Tous les écrits du Nouveau Testament sont apostoliques même s’ils n’ont pas tous été rédigés par un apôtre. Maintenant le canon est fermé, car la foi a été transmise aux saints une fois pour toutes (Jd 1.3) et rien ne doit être ajouté ni retranché de leur Parole (Ap 22.18-20).
La conception forte conçoit donc l’apostolat de manière biblique, mais erre en y ajoutant la doctrine de la succession apostolique.
L’erreur et l’exactitude de la notion faible
La conception faible de l’apostolat est erronée dans sa définition même de l’apostolat qu’elle présente davantage comme un charisme plutôt qu’un office. Elle ne rend pas compte de l’importance de l’autorité des apôtres, de leur direction infaillible par le Saint-Esprit (Jn 16.12-15) et de la portée universelle et perpétuelle de leur enseignement (2 Th 3.14). Elle déduit beaucoup trop du fait que des ouvriers associés aux apôtres furent parfois aussi appelés apôtres (p. ex. Ac 14.14) et elle confond de facto l’apostolat avec d’autres offices bibliques.
Par contre, il est tout à fait juste de voir dans les implanteurs, les missionnaires et les pasteurs les véritables successeurs des apôtres. Il ne s’agit aucunement du même office, ni de la même autorité, cependant ceux qui occupent la charge pastorale succèdent aux apôtres comme nous pouvons le voir en comparant Jn 21.15 et 1 P 5.1-4 où le même verbe est employé pour définir la mission des apôtres et celle des anciens, c’est-à-dire paitre les brebis du Seigneur.
Une troisième voie
En laissant de côté les erreurs de la conception forte et celles de la conception faible, puis en conjuguant les éléments vraiment bibliques des deux conceptions, on débouche sur une troisième voie : le cessationnisme. L’Écriture enseigne donc un apostolat fort qui a pris fin avec la mort des apôtres, mais dont l’autorité est perpétuellement maintenue dans l’Église par le ministère de la Parole confié aux ministres de la Parole, véritables successeurs des apôtres. Ce sont eux qui exercent maintenant le pouvoir des clés dans le royaume.
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Première publication le 20 février 2015 @ 5 h 37 min
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Bonjour Pasteur Denault,
Votre analyse sur les différentes visions de la succession apostolique est intéressante. Je crois cependant que la position forte que vous décrivez me semble être encore plus « forte » que celle que l’Église catholique enseigne. Dans l’Église catholique, les évêques ne sont pas des Apôtres, car comme vous le dites avec raison « aucun homme ne rencontre aujourd’hui les exigences pour être apôtre ». Vous avez donc raison de dire que le témoignage des Apôtres est unique et qu’il ne peut être pleinement transmis.
Voici une note intéressante à ce sujet que l’on trouve dans Lumen Gentium : « Le parallélisme entre Pierre et les autres Apôtres d’une part, et le Souverain Pontife et les évêques d’autre part, n’implique pas la transmission du pouvoir extraordinaire des Apôtres à leurs successeurs, ni – c’est évident – l’égalité entre le chef et les membres du collège, mais seulement une proportionnalité entre le premier rapport (Pierre-Apôtres) et le second (pape-évêques). [Concile œcuménique de Vatican II, Lumen Gentium, Note explicative préliminaire 1]. »
On doit donc conclure de cela que les évêques sont les successeurs des Apôtres dans un sens différent. Ils sont les successeurs des apôtres dans le sens où les apôtres étaient à l’origine de la plus haute fonction dans l’Église et que, quand ils ont quitté ce monde, ils ont transmis leurs charges à d’autres évêques.
Je peux donc voir qu’il y a un certain accord entre cette position et celle que vous adoptez. La principale différence semble donc être le moyen par lequel semble être conférée cette « succession ». Nous, les catholiques, dirions que c’est par le sacrement de l’ordination épiscopale que cette autorité est transmise. De votre côté, vous parlez plutôt de « ministère de la Parole confié aux ministres de la Parole », mais j’aimerais, si vous le voulez bien, que vous poussiez un peu plus loin votre analyse pour chercher à savoir comment ce ministère de la Parole est « confié » concrètement d’un ministre à un autre.
Votre frère en Christ,
Miguel
Merci cher Miguel pour ces précisions. La continuité entre l’apostolat et les évêques ressemble à la compréhension réformée concernant le lien entre l’apostolat et les ministres de la parole.
Cependant, là où nos conceptions divergent, c’est au niveau de la canonicité. Pour l’Église catholique romaine le canon demeure ouvert par le biais de la succession apostolique. Tandis que pour l’Église réformée, le canon est fermé parce que l’apostolat a cessé.
De plus, nous ne pouvons reconnaître la papauté qui dépend également de la succession apostolique.
Pour répondre à la question spécifique du ministère de la parole, il faut y être appelé par Dieu. L’appel comporte un aspect subjectif (une conviction intérieure) et une reconnaissance objective par l’église qui se concrétise par une ordination.
Merci pour cette article.
Je suis en accord pour ce qui est de la conception de l’Église catholique romaine.
Par contre, je suis en désaccord pour pour votre position face aux églises protestantes.
Je pensais que vous auriez analysé plus profondément le terme «apôtre».
En grec, il est traduit par «apostolos» qui signifie : «envoyé».
Je pense que je ne vous apprends rien de nouveau.
Il est même dit que l’apôtre est un ambassadeur du Royaume.
Malheureusement, l’Église du 21e siècle a remplacé le terme ‘apôtre’ par ‘missionnaire’.
Tout apôtre est missionnaire. Mais tout missionnaire n’est pas apôtre.
Voyez-vous la nuance?
Est-ce que Dieu n’a pas suscité des apôtres pour continuer l’œuvre du ministère?
Que compreniez-vous de ces passages?
Ep.4.11
1 Co. 12.28
C’est triste de voir comment plusieurs chrétiens ignorent que les cinq ministères sont essentiels, car c’est dit dans l’épître des Ephésiens: «[…] pour le perfectionnement des saints en vue de l’oeuvre du ministère et de l’édification du corps de Christ,».
2 Corinthiens 12:12 Les preuves de mon apostolat ont éclaté au milieu de vous par une patience à toute épreuve, par des signes, des prodiges et des miracles.
Merci pour votre commentaire, il s’agit essentiellement de déterminer si le pouvoir de l’envoyé est fort ou faible. La conception réformée de l’apostolat s’accorde avec le catholicisme sur le fait que l’apôtre est un envoyé plénipotentiaire, c’est-à-dire qui a plein pouvoir pour agir légalement au nom de celui qui l’envoie. Je ne crois pas que la notion charismatique d’envoyé-missionnaire s’applique aux douze. Par contre, je crois que c’est dans ce sens plus faible que le mot s’applique aux non-apôtres appelés apôtres dans le NT. Ce double usage se retrouve aussi par exemple pour le mot diacre, parfois employé dans le sens technique et formel de l’office diaconal et d’autres fois dans le sens général de serviteur. C’est en faisant cette distinction que nous reconnaissons que certaines femmes sont appelées diaconesses, sans que l’office diaconal soit ouvert aux femmes.
Donc pour revenir aux apôtres, l’office apostolique formel a cessé et les successeurs des apôtres sont les anciens…
D’accord.
Merci pour votre explication.
Je comprends votre point de vue.
Je prie que Dieu appelle plusieurs hommes au Québec autant dans le pastoral que l’apostolique et prophétique.
Soyez bénis, pasteur Denault.
Je ne suis pas d’accord avec et enseignement les apôtres étaient des personnes ayant en vue le mot apôtre selon le qualificatif Romain qui était d’envoyé des armadas de bateaux avec un capitaine dans des terres inconnus ou ils établissaient les coutumes les lois la manière vivre Romaine et c’est exactement cela un apôtre il apporte la culture du royaume de Dieu sur terre pour influencer la culture, merci de m’avoir lu.